Il est devenu l’un des symboles de la région. Géant de béton et d’acier, le Pont de Normandie, qui enjambe l’estuaire de la Seine pour relier Honfleur au Havre, est un outil au service du territoire et de sa population autant qu’une œuvre d’art. Sa construction, entre 1988 et 1995, a constitué un véritable défi technologique et a changé à jamais le visage de la Normandie.
Chez lui, tout est hors norme. Le Pont de Normandie affiche d’abord des mensurations impressionnantes. Avec ses 819 mètres de tablier central et ses 184 câbles d’acier pour le supporter, il figure parmi les dix ponts à haubans les plus longs au monde. Tendu tel un fil, à plus de 50 mètres au-dessus de la Seine, il offre à ceux qui l’empruntent – conducteurs, marcheurs ou cyclistes – un instant de grâce devant la vue sur l’estuaire. Pendant qu’au-dessous, les navires continuent tranquillement de remonter le fleuve jusqu’à Rouen…
À grand pont, grandes ambitions
Si le Pont de Normandie est imposant, il porte en lui des ambitions qui ne le sont pas moins. Quand le projet est lancé, dans les années 1970, ses acteurs (CCI, Région, départements du Calvados, de Seine-Maritime et de l’Eure) rêvent de désenclaver le port du Havre, de faciliter la circulation entre les deux rives de la Seine et de désengorger les axes de circulation existants. Il faut dire qu’alors, pour se rendre au Havre depuis Honfleur, il faut emprunter un bac ou pousser jusqu’au Pont de Tancarville, à une trentaine de kilomètres de là. Rallier les deux villes prend une heure en moyenne, alors qu’elles ne sont qu’à une dizaine de kilomètres à vol d’oiseau…
Des innovations à la pelle
La conception du pont constitue à elle seule un véritable défi, sa construction, une prouesse. Lorsque les ingénieurs jettent leurs premières idées sur le papier, le plus long pont à haubans du monde affiche une portée centrale de 465 mètres (Pont Alex Fraser, Vancouver). Le Pont de Normandie en compte le double. Il faut aussi composer avec un environnement naturel, auquel il devra résister : marais, vents violents, eau de mer, marées… Pour parer à tout, ils rivalisent d’ingéniosité et mettent au point des systèmes plus innovants les uns que les autres : tablier profilé et pylônes en “Y” inversé pour résister au vent, tubes en spirales recouvrant les haubans pour éviter qu’ils ne vibrent sous la pluie…
Prouesse technique
Durant le chantier, de 1988 à 1995, des solutions techniques, jamais éprouvées alors, seront utilisées pour faire avancer, coûte que coûte, la construction de l’ouvrage. Les pylônes sont coulés avec un béton haute performance jamais utilisé encore : ses performances sont trois fois supérieures à un béton traditionnel, pour résister à l’eau de mer. Un système de poussage inédit permet de construire, au fur et à mesure, les viaducs situés de part et d’autre de la Seine. Les 32 tronçons (19 m de long, 180 tonnes chacun) du tablier métallique seront quant à eux assemblés au fur et à mesure, au-dessus du vide, grâce à une grue à poulie, pour se rejoindre au centre… Un travail au millimètre près.
Un axe majeur
Après 7 ans de travaux, le Pont de Normandie est achevé. Il est inauguré par le premier ministre, Edouard Balladur, le 20 janvier 1995 et ouvre à la circulation dans la foulée. Il réduit de moitié le temps de trajet entre Honfleur et Le Havre.
En 30 ans, le Pont de Normandie est devenu un axe majeur de circulation en France : 7 millions de véhicules l’empruntent chaque année. Connecté à l’A29, il enjambe les deux rives de la Seine pour relier l’ouest et le nord de la France, le sud et le nord de l’Europe…
L’ouvrage aura aussi contribué à booster l’économie locale et régionale, attiré des touristes du monde entier curieux de découvrir cette véritable œuvre d’art et participé, bien avant l’heure, à réunifier la Normandie*… Ce géant de béton et d’acier fait désormais partie intégrante de son identité.
* La réunification de la Haute et de la Basse-Normandie aura lieu 20 ans plus tard, en 2015.
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