Pour restaurer la beauté originelle de la Merveille, menacée par l’ensablement de sa baie, un grand projet de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel a été initié. Travaux hydrauliques, nouvelles voies d’accès et ouvrages d’art : cet immense chantier apparaît, aujourd’hui encore, comme l’une des opérations d’aménagement les plus originales d’Europe.  

5 infos à connaître sur le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel

  • Début des études en 1995, inauguration en 2015
  • Création d’un nouveau barrage réversible à huit vannes
  • Création d’un pont-passerelle de 760 mètres
  • 1,5 million de m3 de sédiments extraits
  • Coût de l’opération : 184,74 millions d’euros

En 1979, le Mont Saint-Michel est consacré par une double inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais au même moment, l’inquiétude grandit. La « Merveille » s’ensable peu à peu…. Un phénomène naturel de sédimentation qui s’est accéléré au fil des interventions humaines sur le site depuis le XIXe siècle : canalisation du Couesnon, barrage, route d’accès, parkings au pied des remparts… À la fin des années 1990, les modélisations réalisées montrent que si rien n’était entrepris, le Mont-Saint-Michel n’aurait plus rien d’une île en 2040…

Réunies au sein du Syndicat Mixte Baie du Mont Saint-Michel, les principales collectivités locales (Région Normandie, Bretagne, Département de la Manche, Ille-et-Vilaine, communes) lancent en 2005 une grande opération de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel. L’ambition est à la hauteur du site : restaurer durablement le paysage et instaurer des conditions d’accueil dignes de ce haut lieu du patrimoine mondial et de sa représentation symbolique.

Un nouveau barrage, pièce maîtresse de l’opération

L’ancien barrage en porte à flots du Couesnon est remplacé par un barrage réversible à 8 vannes, dont la construction débute dès 2006. Pièce maîtresse de l’opération, il fonctionne sur un principe de chasse d’eau : il assure le remplissage du fleuve à marée montante, puis sa vidange à marée descendante. Dès 2009, il relâche deux fois par jour 70 000 à 1,2 million de m3 d’eau. L’élan nécessaire pour redonner au fleuve la force d’emporter les sédiments vers le large… Au-delà de sa  fonction hydraulique, l’ouvrage a été conçu pour révéler le caractère exceptionnel du site. Son pont-promenade invite les visiteurs à déambuler d’une rive à l’autre pendant que son balcon maritime et ses gradins offrent un espace de contemplation unique face à la baie.

Le barrage était la première pièce de ce vaste projet. Son côté à la fois technique et esthétique le rendait complexe à réaliser. Ses dimensions particulières et ses vannes au poids conséquent ont nécessité l’utilisation d’outils logistiques et de levage importants. Le tout sur un sol composé de tangue, difficile à appréhender…

En amont, les travaux consistent à recréer un réservoir d’eau. Le lit du Couesnon, envasé sous l’effet de l’ancien barrage, est curé sur 4,7 km. Ses berges sont nettoyées, les roselières fauchées. Un peu plus loin, l’Anse de Moidrey, un ancien méandre, est reconstitué : un réseau de 8 km de canaux en forme de « mains » est formé, pour contenir jusqu’à 300 000m3 d’eau. Au total, 1,5 million de m3 de tangue sont extraits lors de ces opérations.

Un projet éco-exemplaire

L’opération de rétablissement du caractère maritime du Mont Saint-Michel a été conçue pour réduire au maximum ses impacts environnementaux. Les études, menées avant son lancement, ont évalué ses potentielles conséquences sur la faune et la flore locales et déterminé les mesures à prendre. Parmi elles, la mise en place d’écluses à poissons sur le nouveau barrage pour favoriser son franchissement par les migrateurs et les anguilles. Le long du Couesnon, les travaux ont, eux, été menés en plusieurs étapes afin de respecter les périodes de migrations des civelles et des saumons comme de nidification des oiseaux. Un programme de transfert de plantes a également été instauré dès 2008. Plusieurs espèces rares (Crételle hérissée, Trèfle à folioles étroites, Tordyl majeur et Scabieuse maritime), présentes le long de l’ancienne digue-route ont été déplacées ailleurs dans la baie…

De nouveaux ouvrages pour un nouvel horizon

Emmanuel Berthier – Normandie Tourisme

Les ouvrages d’accès au Mont sont quant à eux totalement redessinés, de manière à ne plus gêner la circulation de l’eau. Un nouveau parking de 4 000 places est aménagé sur le continent. Désormais, pour se rendre jusqu’au Mont, à pied ou en navette, les visiteurs empruntent une nouvelle voie d’accès de 1085, construite un peu plus à l’Est . Elle se prolonge par un pont-passerelle de 760 m. Tel un fil tendu au-dessus de l’eau, l’ouvrage repose sur 134 piliers coulés dans des pieds ancrés à une vingtaine de mètres sous le niveau de la mer.

Au bout, le pont-passerelle se pose sur une esplanade surmontée d’un gué qui permet de franchir les 120 derniers mètres jusqu’au Mont. Une vingtaine de fois par an, lors de coefficients de marée exceptionnels, le gué se recouvre d’eau. La grande opération menée sur ce site prend alors tout son sens : le Mont-Saint-Michel redevient une île, au milieu de son écrin maritime.

Sur ce chantier emblématique, nous avons travaillé sous le feu des projecteurs, avec une attention toute particulière sur l’exemplarité et la tenue des délais. Les enjeux étaient très importants, notamment sur le plan environnemental

Des effets tangibles

La démolition des parkings situés aux pieds du Mont et le démantèlement de l’ancienne digue-route, en 2015, constituent la dernière étape, hautement symbolique, de l’opération de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel. Les courants sont libérés de leurs entraves. Depuis, les premiers relevés topographiques réalisés ont permis de constater que d’importantes surfaces ont été regagnées par la mer, dans un rayon d’un kilomètre autour du Mont (20 hectares de plus en 2014 par rapport à 2009).

Un courant qui a aussi bénéficié au tourisme et à l’économie locale. Les visiteurs se pressent toujours plus nombreux pour admirer le Mont-Saint-Michel entouré d’eau. Le phénomène ne s’était plus produit depuis la construction de la première digue-route en 1879. La Merveille a ainsi renforcé sa position de destination incontournable et vu sa fréquentation augmenter pour atteindre désormais les 3 millions de visiteurs chaque année. Soit le site le plus visité en France après Paris.

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