Une activité de boulangerie et de torréfaction solaire en Normandie ? L’ingénieur Arnaud Crétot a prouvé que c’était possible ! Il a tiré de son expérience la méthode TELED, destinée à aider les entreprises à s’organiser différemment pour travailler avec les énergies intermittentes et opérer leur transition énergétique.

Faire cuire du pain ou torréfier des graines en Normandie grâce à l’énergie solaire, un pari fou ? Pas tant que ça. C’est justement ce qu’Arnaud Crétot a prouvé avec NeoLoco, une activité de boulangerie et de torréfaction solaire qu’il a installée à Montville, en Seine-Maritime, en 2019. Une première en Europe. Mais pour parvenir à faire tourner son entreprise grâce à son four solaire et ses 69 miroirs, cet ingénieur énergéticien de formation a dû adapter son organisation comme ses produits.

Une entreprise low-tech

Côté torréfaction, NeoLoco propose des mélanges de graines apéritives, ainsi qu’une alternative au café à base de pois chiches, baptisée l’Éveil Résistant. “ NeoLoco est une activité sobre en énergie, il était donc impensable de faire venir des graines de café du bout du monde pour les torréfier. Nous avons cherché des cultures et des recettes locales et ainsi démontré que même le culinaire peut atteindre des objectifs de sobriété et de décarbonation ! ”, savoure Arnaud Crétot. L’Eveil Résistant a d’ailleurs reçu le prix de l’AREA Normandie en 2023 pour son aspect innovant.

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Pour la production, ces produits de longue conservation offrent l’avantage de pouvoir être produits uniquement les jours où il fait beau. Côté boulangerie, NeoLoco propose du pain au levain, qui peut se conserver jusqu’à une semaine. Il est cuit au four solaire les jours de beau temps (110 kg maximum), au four à bois le reste du temps. Résultat : NeoLoco est très vite devenu viable et distribue aujourd’hui ses produits dans des dizaines de points de vente autour de Rouen et sur Internet. L’entreprise low tech compte 3 salariés.

NeoLoco est une entreprise artisanale autant qu’un laboratoire en milieu réel où l’on démontre qu’il est possible de faire fonctionner une entreprise avec une organisation totalement différente, en consommant l'énergie uniquement au moment où elle est disponible. Un modèle applicable à n’importe quel secteur d’activités.

Arnaud Crétot, un vagabond de l’énergie

portrait Arnaud Crétot
Charlotte Krebs

Pour Arnaud Crétot, tout a commencé sur les bancs de l’école d’ingénieur. Il profite d’une année de césure, de 2010 à 2011, pour se lancer sur les routes dans le cadre d’un projet baptisé “ Vagabonds de l’énergie”. Avec Robin Deloof, élève de Polytech Nantes comme lui, ils partent à la rencontre d’une soixantaine de projets liés à l’énergie à dans une vingtaine de pays dans le monde. “ Nous sommes revenus avec la certitude que les solutions techniques existent mais que, pour une vraie transition énergétique, il faut avant tout lever les points de blocage culturels, sociaux et organisationnels ”, explique-t-il.
C’est au cours de ce voyage qu’Arnaud Crétot découvre la technologie des fours solaire conçue par Lytefire à destination d’artisans dans les pays en développement. Devenu directeur technique de l’entreprise, il décide de tester en parallèle différentes techniques de fabrication de pain pour éprouver la viabilité du solaire en boulangerie… Les prémices de NeoLoco.
Aujourd’hui, Les Vagabonds de l’Energie est une association normande qui porte des actions d’éducation et de sensibilisation aux enjeux énergie-climat pour tous les publics dans la région et soutient des projets de voyage d’études sur le thème de l’énergie à travers le monde.

TELED, une méthode innovante d’organisation des entreprises

L’ingénieur-boulanger ne s’arrête pas là. En plus de former d’autres artisans-boulangers intéressés par la cuisson solaire dans toute la France, il met au point, à partir de son expérience, la méthode TELED, pour “Tache Énergivore Lorsque L’Énergie est disponible”.

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Ce mode de transformation des organisations se destine aux entreprises qui veulent travailler avec des énergies intermittentes (solaire, éolien), mais pas seulement. TELED s’adresse aussi à toutes les structures qui veulent s’adapter à la variabilité des énergies en général : pénuries sur le réseau, instabilité des prix… Une agilité en passe de devenir cruciale pour les entreprises, comme pour les territoires.On le voit avec les récentes augmentations du prix de l’électricité, qui ont entraîné la fermeture de dizaines de commerces, car les tarifs n’étaient plus compatibles avec leur modèle économique ”, souligne Arnaud Crétot.

La Normandie, pionnière sur le sujet

Développée depuis 2 ans, TELED se diffuse grâce à des fournisseurs d’énergie, de bureaux d’études et des entreprises en passe de composer un collectif.  Des interventions ont également lieu dans les plus grandes écoles d’ingénieurs (école des Mines de Paris, INSA, Centrale, Arts et Métiers, etc.) dans toute la France et, très récemment, un partenariat a été conclu avec l’IN&MA, une école d’ingénieurs qui vient de s’implanter sur Rouen.

La Normandie est pionnière dans cette approche de la transformation de l’entreprise. Il y a une vraie dynamique qui est lancée sur le territoire

Le collectif compte aussi des enseignants-chercheurs, qui développent des programmes autour des questions d’ingénierie, d’acceptabilité et de viabilité de ces nouveaux modes d’organisation des entreprises. “ J’entends souvent le même argument : que les énergies intermittentes ne peuvent pas alimenter l’économie, constate Arnaud Crétot. J’ai l’habitude de répondre que les énergies variables ne peuvent pas alimenter une économie pensée pour fonctionner avec des énergies continues. Mais il suffit d’apprendre aux entreprises et aux territoires à s’organiser différemment pour lever ces barrières.

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