Catherine Gagneux, aux origines ornaises, est membre de notre réseau d’ambassadeurs. Consule Honoraire de France en Irlande, elle découvre par hasard en 2020 l’histoire émouvante de la Croix-Rouge irlandaise venue à Saint-Lô, dans la Manche, au lendemain du Débarquement. L’occasion de revenir sur ce bel élan de solidarité !
La découverte
Expatriée en Irlande depuis 1995, Catherine Gagneux reste néanmoins très attachée à la Normandie, et notamment au département de l’Orne. Domfront, Saint-Fraimbault… ses origines normandes lui viennent notamment de sa grand-mère paternelle sur plusieurs générations et les quelques recherches généalogiques menées par sa sœur remontent même jusqu’à un ancêtre nommé Drollon…
Cette Normande, curieuse de nature et toujours à l’affût de liens entre son pays d’adoption et sa région de cœur, découvre l’histoire stupéfiante de la Croix-Rouge irlandaise pendant la crise sanitaire. « J’écoutais la radio nationale de la chaîne publique d’Irlande et je suis tombée sur un podcast très bien fait à propos de l’histoire de l’hôpital irlandais installé en août 1945. » L’histoire en question s’inspire du livre de Phyllis Gaffney, Healing Amid The Ruins – The Irish Hospital in Saint-Lô.
Eléments de contexte
Au lendemain du Débarquement du 6 juin 1944, la ville de Saint-Lô, dans le centre-Manche, est laissée exsangue. On parle d’une ville détruite, à plus de 85%, comme beaucoup d’autres en Normandie. Les bombardements alliés n’ont laissé aucune chance aux nombreux édifices de la ville, y compris l’hôpital, situé sur les bords de Vire. « La population avait été prévenue en avance – beaucoup étaient partis en exode dans la campagne ou villages plus éloignés. »
Mais après le Jour J, centres de soins détruits et hôpitaux militaires démantelés, comme gérer l’afflux de civils ? Quelques mois après le D-Day, le ministre d’Irlande, en visite dans la Manche et touché par les malheurs de Saint-Lô, offre l’aide de son pays pour faire venir du matériel par le port de Cherbourg.
Une solidarité spontanée
Du matériel et des hommes : en Irlande, la Croix-Rouge se mobilise et très vite, un élan de solidarité se met en place avec docteurs, infirmiers et personnels administratifs. L’objectif : construire un hôpital outre-Manche. « Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain… beaucoup de gens volontaires ont utilisé de leurs ressources, ont levé des fonds pour pouvoir acheminer les biens et matériaux nécessaires » explique Catherine.
En décembre 1945, un bateau quitte ainsi l’île voisine ; à son bord, 12 médecins, 23 infirmières, 7 administratifs. 25 baraques en bois pour une centaine de lits sont alors édifiées rue Maréchal de Lattre de Tassigny, afin de constituer l’hôpital de la Croix-Rouge irlandaise. Blessés, malades du quotidien et femmes enceintes y trouveront alors refuge grâce aux soins totalement gratuits. Inauguré le 7 avril 1946, le lieu verra la naissance de 180 petits Saint-Lois cette même année.
Un illustre irlandais
Parmi les agents administratifs de cet hôpital, le magasinier, chauffeur et traducteur… Samuel Beckett. Le même qui se verra décerner en 1969, le prix Nobel de littérature. L’auteur d’En attendant Godot, encore peu connu, est à l’époque tout juste sorti de la résistance française. De retour dans son Irlande natale, il décide d’accompagner son ami le Dr Alan Thompson dans ce périple solidaire. Il y restera 6 mois : le poème The Capital of The Ruins, écrit à Paris en juin 1946 et publié dans le quotidien Irish Times, est un témoignage de cette expérience.
Et après ?
Situé à l’emplacement actuel du collège Pasteur, l’établissement hospitalier fonctionnera jusqu’en juin 1956. Mais la tutelle de la Croix-Rouge irlandaise – et les soins gratuits – s’arrêteront en décembre 1946, avec la reprise du lieu par la Croix-Rouge française. Les Irlandais quittent la Normandie en janvier 1947, laissant un immense sentiment de gratitude parmi la population saint-loise.
En 1957, les malades cèdent leurs places aux premiers écoliers qui investissent les baraquements. A quelques kilomètres de là, ouvre l’hôpital franco-américain le Mémorial de Saint-Lô, orné d’une mosaïque du peintre normand Fernand Léger. Mais c’est une autre histoire…
En attendant, Catherine souhaite en savoir plus sur cette histoire et recherche toute personne qui pourrait lui parler de ce passé si cher aux Saint-Lois. Et qui sait ? Diffuser un peu de cette histoire en terres irlandaises. « J’en ai parlé à une télé locale, qui dépend d’une chaîne nationale et ils souhaiteraient en faire un téléfilm ou un documentaire… »
Si vous avez des éléments sur la présence des Irlandais au lendemain du Débarquement à Saint-Lô, vous pouvez les transmettre à Catherine Gagneux :
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