Il lui aura fallu dix ans et une bonne dose de ténacité pour transformer son idée en entreprise. À 32 ans, Nicolas Cahlik est à la tête d’Aggloplast, à Bayeux. Sa TPE transforme les déchets plastiques en plaques et panneaux, selon un procédé breveté. 

Ras le plastique ! Nicolas Cahlik a eu un déclic lors d’un stage réalisé en Inde, dans le cadre de son Master Grandes Ecoles, option Entrepreneuriat. “ Il y a là-bas du plastique un peu partout dans la nature. Quand je suis rentré en Normandie, je me suis aperçu que la mer en charriait aussi sur nos côtes, malgré des campagnes de sensibilisation. J’ai cherché à comprendre pourquoi “. Commence alors une véritable quête pour le jeune Normand, qui découvre que moins d’un tiers des plastiques sont recyclés en France. La majorité est incinérée dans le cadre d’une valorisation énergétique, le reste est enfoui ou exporté à l’étranger. Des chiffres qui s’expliquent notamment par le coût du recyclage, jusqu’à dix fois plus élevé à cause du tri, long et minutieux, qu’il nécessite. 

LE POIDS DU PLASTIQUE EN 5 CHIFFRES 

• La production mondiale de plastique a atteint 390 millions de tonnes en 2021, dont 52,7 millions de tonnes en Europe.

• Il est estimé que 2 à 3 % du plastique produit termine sa course dans les océans

• Avec environ 5 millions de tonnes de plastique consommées chaque année, la France reste l’un des plus gros consommateurs de plastique en Europe.

• En France, les plastiques collectés sont recyclés à 26 %, incinérés pour la valorisation énergétique à 43 % ou enfouis en décharge à, 32 % (chiffres 2018).

Sources : ministère de l’Environnement, Ademe 

Aggloplast, un procédé innovant breveté en 2021 

Partant de ce constat, Nicolas Cahlik se met en tête d’inventer un procédé qui permettrait de recycler les plastiques de manière plus simple, donc moins coûteuse. En 2015, j’ai commencé à chercher comment faire en faisant fondre du plastique dans la vieille machine à panini des mes grands-parents ! ”, sourit-il. Il tâtonne, frappe aux portes des laboratoires de recherche et des universités, se forme à la plasturgie et à l’économie circulaire. À force de persévérance, il réussit à produire ses premières plaques à base de plastiques dont certains dits “impossibles à recycler”.  

En 2018, il améliore encore son concept, en trouvant comment supprimer les émissions de carbone de son procédé de fabrication. Celui-ci est déposé à l’INPI en 2019 et obtient son brevet en 2021. Un sésame. “ Cela m’a permis de crédibiliser mon projet d’entreprise et de m’ouvrir des portes ”, explique l’entrepreneur. Nicolas Cahlik reçoit notamment le soutien de l’ADEME, du réseau Initiative Calvados et des collectivités locales (Département du Calvados, Région Normandie, Bayeux Intercom) et de la Caisse d’Epargne Normandie. Il obtient, en 2021, un prêt qui lui permet d’investir dans des machines pour voir les choses en grand : broyeuse, presse chauffante, raboteuses, scies, etc.  

La Normandie est une terre d’innovation, où l’on accède facilement à un réseau d’acteurs qui sont prêts à prendre des risques avec vous.


Son entreprise, Aggloplast, naît officiellement en 2022 et s’installe dans ses locaux à Bayeux, dont le jeune entrepreneur est originaire. “  Je ne me voyais pas créer mon activité ailleurs et j’avais d’abord envie d’agir localement, pour la Normandie. Ici, mon concept parle plus facilement au grand public, qui a une certaine sensibilité pour la mer et pour l’environnement “, note-t-il.  

La production démarre en 2024 

Nicolas Cahlik se fournit en déchets plastiques auprès d’entreprises et d’industries locales, comme la Maison Johanès Boubée, à Bayeux, ou la clinique Saint-Martin, à Caen. “ Je récupère auprès d’eux des plastiques rigides, souvent peu valorisés car peu valorisables, qu’ils doivent souvent payer pour faire enlever et qui sont soumis à des taxes. C’est gagnant-gagnant  “, explique-t-il. Cagettes, barquettes, pots et même casques de chantier : tout y passe. Le plastique est simplement trié par texture et par couleur, avant d’être broyé en morceaux puis fondu à 180 ° par une énorme plaque chauffante. Un procédé qui permet d’éviter 3 tonnes de CO2 par tonne de plastique recyclé. 

Un peu comme une dans une recette de gâteau, on choisit les ingrédients pour donner à la plaque l’aspect et les propriétés que l’on recherche. En ce moment, nous testons par exemple un mélange de plastiques et de papiers avec une agence de design parisienne “. Déclinés en plusieurs épaisseurs (de 12 à 27 mm), les panneaux Aggloplast sont résistants à l’humidité et se travaillent comme du bois. Ils servent à fabriquer des plans de travail, des crédences, des parois de douche… Les possibilités n’ont de limite que l’imagination. Dans ses locaux à Bayeux, Nicolas Cahlik accueille d’ailleurs un artiste caennais, Gaëtan Le Magnen, qui crée du mobilier à partir de cette matière première d’un nouveau genre. 

Avec Agglopast, mon objectif est de trouver une voie aux 80 % de plastiques qui ne sont aujourd’hui pas recyclés.

Après une première année d’installation et de montée en cadence, Aggloplast a atteint un rythme de croisière. La TPE produit désormais jusqu’à 10 panneaux (2,20 x 1,10 m et 60 kg en moyenne) par jour. Nicolas Cahlik veut désormais se consacrer au développement commercial et à la notoriété d’Agglopast auprès des designers, des architectes, des entreprises du bâtiment… Avec à la clé, l’embauche potentielle de plusieurs opérateurs, pour répondre aux commandes.  “ À long terme, je voudrais dupliquer le concept Aggloplast dans d’autres régions, pour apporter une solution de recyclage des déchets plastiques de proximité. En particulier dans les territoires ultramarins, où ils continuent majoritairement d’être enfouis ou incinérés. ” 

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