A Deauville, Designir fête sa troisième rentrée. Seule école de design de Normandie proposant une formation complète en 5 années, Designir associe sens de l’esthétique, du technique et du monde.
Rencontre avec Benoit Millet, directeur et fondateur de l’école.

Pourquoi cette école ?

« Je suis designer, et j’interviens dans des écoles de design diverses et variées depuis plusieurs années. Quand je suis arrivé en Normandie, il y a 22 ans, j’ai été surpris de ne pas voir d’école – au-delà des Beaux-Arts – proposant cette discipline » explique Benoit Millet, fondateur de Designir. Il y a une dizaine d’années, le professionnel est invité par l’école de design de Nantes Atlantiques – l’une des plus importantes de France – à diriger durablement un « design lab » autour des nouvelles pratiques alimentaires. « Je l’ai beaucoup orienté sur l’éco-innovation ; l’idée étant de faire du design là où on ne l’attend pas. »

Une belle expérience d’une dizaine d’années qui lui permet de constater la fuite des étudiants normands en-dehors des frontières : « je profitais de ces aller-retour pour emmener régulièrement des jeunes qui se rendaient à Nantes compte tenu de l’absence d’offres au niveau local dans le design. » Fort de ce constat et d’un bilan carbone plus que défavorable, Benoit Millet décide alors de développer quelque chose en Normandie, dans le Calvados, à proximité de son lieu d’habitation. « Deauville a l’atout d’être située entre Rouen, Caen et le Havre. Sans parler de Paris, qui permet également à des intervenants reconnus de venir et aux étudiants de profiter d’expositions par exemple. » C’est chose faite en 2019, en pleine pandémie.

Le design : une discipline complète

Mais le design, c’est quoi exactement ? « En tant que designer, certains ont tendance à imaginer que l’on dessine des mickey » explique Benoit en souriant. « Dans les années 70, il y a eu une confusion entre un style design et le design tel qu’on l’entend dans les pays anglo-saxons. Moi, j’ai une vision du design en le pensant comme design industriel : une activité artistique mais qui est aussi à la frontière de l’ingénierie et du business. » Si le Larousse définit la discipline comme « visant à une harmonisation de l’environnement humain, depuis la conception des objets usuels jusqu’à l’urbanisme », Benoit Millet lui adjoint également une mission très actuelle… « il s’agit d’imaginer un art de vivre dans un monde en pleine mutation et en transition, et donc de créer un avenir souhaitable et désirable. » Le tout, centré sur l’humain, au cœur de toutes les étapes de création. Pour quoi créer ? Pour qui ? Avec quel impact ? En amont, comme en aval, les questions de fond, comme les problèmes de représentation et d’usage, sont au cœur du travail du designer.

Des partenaires professionnels

« Cette question du sens de ce que l’on fait, est primordiale » souligne le directeur. « C’est la première question que l’on doit se poser : si je dois dessiner quelque chose, pourquoi je le fais, pourquoi je le crée. Pour moi, un designer doit rendre les choses plus vivables. » Afin de permettre aux étudiants de s’immerger dans des problèmes concrets, l’école mobilise plusieurs partenariats avec le monde professionnel. « On a été amenés avec les étudiants à travailler avec des partenaires sur des problèmes d’évolution de société : l’idée est de se dire qu’il y a des opportunités de création mais aussi de réduction de l’impact que l’on peut produire ».

Cette « école-agence » permet ainsi aux étudiants de travailler sur des supports pédagogiques ancrés dans la réalité. Jeux de cartes innovants à destination des enfants pour Lactel, réutilisation de sédiments dans les ports normands, ou encore adaptation dans le domaine de l’alimentaire, où la société et les goûts évoluent. « C’est assez impressionnant, en termes de santé mais aussi de consommation. Par exemple, la consommation de viande est très liée à la représentation sociale. On va réfléchir à aider les industriels du secteur à trouver un autre plaisir, toujours avec un apport en protéines mais en se détachant de la tradition. »

Une école ouverte à tous

Basée sur un modèle pédagogique novateur, l’école est ouverte à tous ceux qui souhaitent suivre une filière innovante et créative. Sous l’égide de professeurs et professionnels reconnus – issus de formations d’excellence à Londres, Milan ou Paris, et aux mêmes valeurs d’un monde responsable – les cours abordent techniques et monde des vivants avec de la sociologie, de l’anthropologie et de la philosophie. « On s’adresse aux bacheliers, issus de n’importe quel baccalauréat, mais on accueille aussi en 3ème et 4ème année en BTS des jeunes qui ne sont pas issus d’une filière design » précise Benoit Millet. « On attend d’un designer qu’il rende les choses plus esthétiques, il faut tout de même une petite maîtrise d’outils et un aspect créatif, mais nous accompagnons même des jeunes un peu vierges dans ce domaine : cela s’apprend ! ». Si la rentrée se fait en septembre, une deuxième session pour les retardataires s’ouvre également en janvier. La nouveauté cette année ? Des cours de dessin, d’histoire de l’art et d’initiation au design sont également proposés au public.

Ce contenu vous a été utile ?