C’est au cœur de la forêt d’Andaine, dans l’Orne, qu’un chef cuisinier ravit les papilles des fins connaisseurs depuis plus de 20 ans. Au Manoir du Lys, qu’il co-dirige avec sa famille, Franck Quinton, étoilé Michelin, se passionne pour les champignons – emblème de la Maison –, les produits de la mer – qu’il affectionne, et les gens, qui l’inspirent. Portrait.

Il y a toujours eu la mer avec moi, je passe ma vie à goûter ce qu’elle peut produire.

Une histoire de famille

Né à la Ferté Macé, à quelques kilomètres du Manoir, Franck, 54 ans, revendique ses origines ornaises… et manchoises : « je suis un cuisinier de la forêt mais j’aurais pu être un cuisinier de l’iode : deux de mes grands-parents étaient du Cotentin et j’ai gardé un attrait pour cette nature sauvage. » Franc sourire et franc parler, Franck Quinton ne s’embarrasse pas des concepts attendus. « Je dis toujours que je n’ai pas eu de coup de cœur pour mon métier ». Un métier qu’il doit avant tout à son ADN : deux grands-pères charcutiers, un père traiteur, qui lui ont transmis « cette culture du bien manger et des bons produits. »

Dans les années 75, son père rachète le Manoir du Lys, un domaine niché dans la forêt d’Andaine, qui retrouve rapidement ses lettres de noblesse. Ajout de bâtiments, hôtel, immobilier… C’est une histoire de famille qui perdure : le Manoir est aujourd’hui géré par Franck Quinton, sa femme, sa sœur et son beau-frère. Une maison réputée, fréquentée par une clientèle venue de départements alentours, de la France entière et des pays limitrophes. « Le Manoir est une épopée de plusieurs vies, on prend beaucoup de plaisir, mais c’est compliqué » reconnaît l’Ornais, qui ne peut penser la réussite sans l’équipe : de la réception aux chambres, en passant par les cuisines ou le jardinier, « tous sont des maillons importants pour que la maison conserve sa renommée. »

Mon objectif ? Faire mieux demain qu’aujourd’hui.

Une affaire de durée

Après une école hôtelière à Douvres-la-Délivrande, c’est à Paris que Franck fait ses classes dans de grandes maisons comme le Sofitel Bourbon ou le Lutecia… avant de revenir, 7 ans après, en Normandie. A seulement 34 ans, il apprend par le célèbre critique gastronomique, Jean-Luc Petitrenaud, qu’une étoile au Guide Michelin lui a été décernée. « C’était mon objectif, mais ce n’était pas mon histoire : plutôt celle d’une vingtaine de personnes » insiste le chef, qui ajoute : « je ne l’ai pas vécue comme une consécration mais comme une responsabilité. » Parce qu’aujourd’hui, sa plus grande fierté, c’est la régularité. Un challenge de 20 ans pour conserver une distinction prisée par toutes les grandes cuisines de France.

« C’est facile de faire de la bonne cuisine un jour, deux jours, une semaine, trois mois ou un an… mais le plus difficile, c’est de durer » reconnaît Franck, pas peu fier de ne pas avoir été un cuisinier éphémère. Une obsession qu’il entretient chaque jour derrière ses fourneaux, concentré sur ses clients. Sa cuisine, il la compare au théâtre : un art de l’instant, lié au moment : « celle d’aujourd’hui ne sera pas celle d’hier ou de demain, ce qui m’importe, c’est le présent. » Privilège des plus grands, « je ne fais rien que je n’aime pas. » En passionné, Franck Quinton distingue nature et naturel : « un plat doit rentrer dans un cahier des charges de mots : forestière, locale, régionale… la cuisine doit venir de la nature et se doit d’être naturelle. » Producteurs, éleveurs, pêcheurs, tous de Normandie. « Je n’ai pas attendu les mots à la mode d’éco-responsabilité, de développement durable : c’était déjà essentiel dans ma cuisine il y a 30 ans » assène-t-il sans détours.

Un cuisinier n’invente rien, depuis le temps que la cuisine existe… il adapte, il peut réinventer, mais il ne crée rien.

Une cuisine inspirée

Et comment parler d’un chef sans aborder ses goûts ? Situation géographique oblige, c’est le champignon qui arrive en tête. Dans les vitrines de l’accueil, comme emblème… et dans les plats. « Le champignon, c’est comme la cuisine, c’est d’abord une affaire de rencontres » explique le chef. Franck écoute, échange, partage, apprend… puis compose. Chez lui, peu d’écrits, mais beaucoup de ressentis : le déclic, il l’a près des gens et grâce aux souvenirs très précis des saveurs. « Ce sont les gens qui m’inspirent : je me cultive à leur contact et comme j’aime bien les choses vraies, ça peut partir en recette. » Cèpes, girolles, bolets… les nombreux échanges avec mycologues et autres mycophages en ont fait un amateur éclairé. Suffisamment pour dispenser, parfois, cours et recettes à qui souhaite en savoir plus.

Autre de ses goûts et pas moindres, l’alliance terre et mer. Une appétence qui le conduit d’ailleurs à participer cette année à la première édition de La Grande DébarqueEn duo avec le chef David Toutain de la rue Surcouf – passé par ses cuisines – Franck laissera la Saint-Jacques et l’occasion, le stimuler. Alliance des produits, des goûts, mais aussi du vin. L’Ornais peut compter sur la cave de raretés, « une des plus belles de Normandie », soigneusement constituée par son beau-frère. « La Table, c’est un tout : l’instant, le lieu, la convivialité, les personnes… c’est aussi le plus dur de nos métiers. » Une composition fragile qu’il met en musique chaque jour, avec le même enthousiasme qu’à ses débuts.

Et à l’occasion de la Grande Débarque, Franck Quinton nous propose une recette “entre terre et mer”, qui vous ravira les papilles ! A découvrir ci-dessous !

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