Publié le 10 février 2025
Temps de lecture : 7 min.
Après un BUT génie chimique et génie des procédés à l’Université de Caen Normandie, Capucine Chanteclair, 21 ans, a choisi de poursuivre son cursus en alternance pour préparer un diplôme d’ingénieur. Elle partage désormais son temps entre l’ESIX, à Cherbourg-en-Cotentin et le Grand Accélérateur National d’Ions Lourds (GANIL) à Caen, où elle travaille sous le regard avisé de Franck Sobrio, ingénieur en environnement. Ensemble, ils veillent à la sécurité et à l’impact environnemental de cette installation nucléaire d’exception. Ils nous livrent leurs parcours, leur vision croisée du métier et de ses opportunités en Normandie.
Quel parcours avez-vous suivi pour devenir ingénieur environnement ?
Franck Sobrio : J’ai d’abord obtenu un DEUG de Sciences à l’Université de Caen Normandie, avant d’intégrer l’ENSICAEN, où j’ai décroché un diplôme d’ingénieur en chimie. J’ai débuté ma carrière au sein du Commissariat à l’Energie Atomique, à Saclay, près de Paris, où j’ai travaillé pendant six ans. J’ai ensuite obtenu ma mutation sur la plateforme d’imagerie biomédicale Cyceron, à Caen, où j’ai passé une thèse puis obtenu mon Habilitation à Diriger des Recherches (HDR). En 2016, j’ai eu l’opportunité de rejoindre le GANIL en tant qu’ingénieur en environnement. C’est assez différent de mes fonctions précédentes, qui portaient davantage sur l’incorporation d’isotopes radioactifs dans les molécules pour l’imagerie médicale, mais j’évolue toujours dans le secteur du nucléaire !

Capucine Chanteclair : Après un bac scientifique, j’ai intégré un Bachelor Universitaire et Technologie en génie chimique et génie des procédés à l’Université de Caen Normandie. Je voulais suivre une formation professionnalisante et ce cursus était une bonne alternative à la prépa pour accéder à une école d’ingénieurs. J’ai eu l’opportunité de réaliser mes deux stages de 2e et 3e année au GANIL, lors desquels j’ai rencontré Franck, qui m’a parlé de son métier d’ingénieur en environnement. J’ai trouvé ce domaine passionnant, d’autant qu’il y a beaucoup d’enjeux. Après mon BUT, je l’ai donc sollicité pour une alternance, ce qu’il a accepté, et j’ai pu intégrer la filière génie nucléaire de l’ESIX Normandie, à Cherbourg-en-Cotentin, en septembre 2024.
Deux premiers stages au GANIL
Avant son alternance au GANIL, Capucine Chanteclair a effectué deux premiers stages GANIL. En 2022, lors de son stage de 11 semaines en 2ᵉ année de BUT, elle a travaillé sur la remise en service d’un détecteur gazeux complexe datant des années 1990. Sa mission consistait à retrouver des archives, tester les chambres d’ionisation existantes, et identifier une nouvelle colle adaptée. En 2023, en 3ᵉ année de BUT, Capucine a choisi de revenir au GANIL pour un stage de 18 semaines, cette fois dans le cadre du projet REPARE. Ce programme à visée médicale, axé sur la production de particules alpha pour le traitement de certains cancers, lui a permis de découvrir la gestion de projet, d’animer des réunions et de découvrir des enjeux liés à la sûreté nucléaire et à la gestion de l’environnement. “ Ces deux stages ont été déterminants dans mon parcours et m’ont permis de découvrir l’univers de la recherche et de la physique nucléaire ”, souligne-t-elle.
En quoi consiste le métier d’ingénieur environnement au GANIL ?
FS : Cette fonction recouvre plusieurs missions. La première est d’assurer la surveillance de l’environnement et des rejets du GANIL. Chaque mois, des prélèvements sont réalisés dans l’environnement de l’installation nucléaire (dans l’air, les eaux pluviales, l’herbe, etc.), dont nous mesurons et suivons précisément les différents rejets (gazeux, radioactifs, liquides, etc.). Ces analyses sont réalisées par des prestataires externes pour certaines ou par le laboratoire de radioprotection du GANIL pour d’autres. Mon travail consiste à compiler, analyser ces données et à produire un rapport mensuel destiné à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). Je rédige également des études d’impact qui décrivent les conséquences potentielles sur l’environnement ou la population des nouvelles installations ou projets, comme le nouveau hall d’expérimentation DESIR.. Le rôle de l’ingénieur environnement est également d’assurer la gestion des déchets – qu’ils soient radioactifs ou conventionnels – du site. Ces dernières années, une activité liée au développement durable s’est aussi développée. Depuis 2022, par exemple, nous avons mis en place un plan de sobriété énergétique, réalisé un bilan carbone et étudié la biodiversité sur le site.

CC : Pour moi, le métier d’ingénieur environnement au GANIL repose avant tout sur la protection des populations. Pour cela, nous réalisons des calculs d’impact très précis, en tenant compte de nombreux paramètres comme la densité de population autour du site ou les habitudes alimentaires locales. Tout doit être conforme aux règles imposées par l’ASN. Tous les dix ans, le GANIL doit aussi se soumettre, comme toutes les installations nucléaires de base, à un réexamen de sûreté. C’est dans ce cadre que j’ai été recrutée en alternance : je réalise dans cet objectif de nombreux calculs d’impacts, qui sont vérifiés par Franck avant d’être intégrés dans ses documents présentés à l’ASN. Ce travail en binôme est enrichissant et valorisant, car je vois concrètement l’impact de mon travail.
Pourquoi avoir choisi l’alternance ?
FS : J’ai encadré beaucoup de stagiaires et de thésards, à Cyceron, mais encadrer des alternants est une première pour moi au GANIL. Quand Capucine m’a contacté, j’ai réfléchi à des missions cohérentes et formatrices pour elle. L’alternance est un investissement mutuel : cela demande du temps pour transmettre les bases, mais en retour, cela m’offre un soutien précieux sur des tâches qui demandent du temps, comme les calculs d’impact. C’est une expérience gagnant-gagnant. Ce premier trimestre a été pour nous un trimestre d’observation, mais Capucine pourra prendre de plus en plus de responsabilités au fil du temps.
CC : J’ai choisi l’alternance pour plusieurs raisons. D’abord parce que c’est une opportunité unique d’accumuler trois ans d’expérience professionnelle tout en étudiant. Cela permet aussi de se projeter concrètement dans son futur métier, de se faire une idée précise des missions que l’on pourrait se voir confier. Ensuite, contrairement à une formation initiale, l’alternance a l’avantage d’éviter le stress de chercher des stages chaque année. Enfin, c’est un atout financier, car je perçois pendant ma formation l’équivalent d’un salaire (un pourcentage du SMIC, ndlr), qui m’aide à me loger à Cherbourg, où se trouve mon école.
Qu’est-ce qui vous plaît dans le métier d’ingénieur environnement ?
FS : J’apprécie la diversité des missions et l’intérêt sociétal de cette fonction. Bien que je ne fasse plus de chimie, je reste dans le secteur nucléaire, qui me passionne. L’aspect environnemental et les enjeux liés au nucléaire et au développement durable me motivent au quotidien.

CC : Ce que j’aime le plus, c’est le côté concret et utile des missions. Les calculs que je réalise sont présentés en réunion ou dans des documents soumis à l’ASN, ce qui leur donne une vraie portée. J’apprécie également le travail sur le terrain – comme le suivi des équipes du Service de Protection des Rayonnements que j’ai eu l’occasion de réaliser – qui me permet de comprendre le fonctionnement des équipements et la gestion des rejets. Enfin, l’ambiance collaborative de la recherche est très enrichissante. Les chercheurs, les techniciens et les opérateurs du GANIL sont toujours ravis de partager leurs connaissances. Et travailler pour une installation qui continue à faire progresser la recherche en physique nucléaire comme le GANIL, c’est très valorisant !
Quels sont les atouts de la Normandie pour un ingénieur environnement ou nucléaire ?
FS : Originaire de Normandie, j’ai commencé ma carrière en région parisienne, mais j’ai ressenti le besoin de revenir pour des raisons familiales et de cadre de vie. La Normandie a l’avantage d’offrir à la fois un cadre de vie attractif et un marché de l’emploi dynamique dans le nucléaire.
CC : La région présente de belles opportunités professionnelles, notamment grâce à des entreprises comme Naval Group ou Orano qui recrutent régulièrement, sur des profils d’ingénieurs comme de techniciens. Parallèlement, le cadre de vie est exceptionnel, avec la mer, la campagne et des villes attractives notamment pour les jeunes, comme Caen. Pour ma part, j’y ai mes racines et je me verrais personnellement très mal quitter la Normandie !
Regards croisés : la place des femmes dans les sciences et l’industrie
Franck Sobrio : Si l’on observe la population scientifique et technique du GANIL, force est de constater qu’il y a peu de femmes. Cependant, tout au long de ma carrière, j’ai collaboré avec de nombreuses collègues et responsables féminines. Parmi les chercheurs, notamment les jeunes générations, j’ai le sentiment que la mixité est croissante. De mon côté, que ce soit pour un stage ou une alternance, je me concentre avant tout sur les compétences et la motivation, peu importe qu’il s’agisse d’un candidat ou d’une candidate !
Capucine Chanteclair : Je pense que la situation évolue peu à peu, et des initiatives aident à ce changement. Par exemple, au lycée, lors d’un forum d’orientation, j’ai rencontré une association qui encourage les femmes à se diriger vers les métiers de l’ingénierie. C’était très inspirant. Aujourd’hui, dans ma promotion en Génie Nucléaire en alternance, nous sommes à parité et pour l’ensemble des premières années en alternance à l’ESIX, il y a 12 femmes sur 34 étudiants. Dans les métiers du nucléaire, surtout en Normandie, les opportunités pour les femmes se multiplient : j’ai croisé d’autres étudiantes en stage chez Orano ou EDF. Malgré tout, il reste encore trop peu de femmes dans l’industrie, un domaine qui gagnerait pourtant à être davantage investi par elles.
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