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Regards croisés. L’une a lancé sa marque de parfum 100% normande, l’autre a remis au goût du jour un fleuron inestimable de la parfumerie de luxe. Cécile Vialla, des parfums Berry et Muriel Madeline, des parfums Volnay, ont noué une belle amitié. Si leur approche du métier est différente, les deux femmes, que la passion pour le parfum a réunies en Normandie, ont l’amour de la fragrance parfaite et de l’identité olfactive sur un marché d’exception.

Première rencontre

Les deux femmes se rencontrent à Milan, lors d’un salon professionnel. « Je tenais un stand, et Cécile    papillonnait » confie Muriel dans un sourire. « Je n’avais pas encore vraiment ma marque à l’époque, j’étais en repérage, je commençais à avoir mes premiers jus, mes premières idées de flacon, ça commençait à se mettre en place » acquiesce Cécile. Un premier échange dans lequel ressortent leurs nombreux points communs, dont l’amour pour le parfum haut-de-gamme et leur Normandie d’adoption. « Après, on a mangé ensemble, on a rigolé et puis voilà ! » Si toutes deux valorisent la qualité sur le marché de la parfumerie d’exception, leur approche et leur histoire sont différentes. A Rouen, Cécile Vialla et son mari Charles Berry, passionnés depuis toujours, ouvrent en 2010 leur parfumerie indépendante, 35, rue Damiette. Et se lancent, quelques années après, dans la création.

Après leurs deux premiers parfums « maison » – Eblouissants Reflets pour Normandie Impressionniste en 2013 et Cœur noir en hommage à l’Afrique, en 2014 – pour éviter la confusion, le couple décide de séparer les deux activités. Lui reste à la parfumerie, elle crée la marque, qu’elle souhaite 100% normande. « Je ne suis pas nez. Pour les deux premiers, on a joué, on a fait notre petit mélange, mais pour se professionnaliser, il faut sortir de son univers et ce n’était pas ma compétence »souligne Cécile Vialla. Elle fait alors appel à un jeune créateur, Anatole Lebreton. « Dans ma tête, je sais ce que je veux, mais je ne sais pas faire. Un nez traduit physiquement, de façon olfactive, l’idée qu’on a dans la tête ». Autodidacte doué, Anatole lui crée 9 parfums. « Ça va très loin. C’est un artiste indépendant. Il va tomber amoureux d’une matière première et à partir de son imaginaire, il va faire le jus du parfum. »  Autre nez indépendant, Thierry Leblond est à l’origine de deux de ses parfums.

Il me fallait des fonds pour acheter mes flacons où je voulais, dans la vallée de la Bresle, les laquer où je voulais, chez Val Laquage… je voulais du normand.

La Normandie, terre de parfums d’exception
Cécile Vialla au 35, rue Damiette, à Rouen ©Alan Aubry

Avec Olivier, nous voulions respecter l’héritage familial, y aller à 100 %

Artisans d’art

« Nous sommes des artisans d’art. Parce qu’on fait appel à plusieurs compétences »remarque Muriel Madeline. Elle, son domaine justement, c’est l’art : « j’ai toujours travaillé dans les milieux artistiques. Mais pas en tant qu’artiste, plutôt en sachant vendre les autres. » A l’instar de Cécile Vialla, elle recourt aux services d’un nez indépendant, Amélie Bourgeois, en 2013. Mais cette fois, pour faire revivre les accords des célèbres parfums Volnay. « C’était une maison de parfums internationale, très luxueuse, fondée par l’arrière grand-mère de mon mari, née à Breteuil sur Iton en Normandie en 1891.» Une maison créée en 1919, fruit de l’amour entre René Duval et Germaine Madeline, d’où naissent, jusqu’en 1936, près de 40 parfums au design innovant, en verre Lalique ou cristal de Baccarat. « Ils avaient leurs bureaux à New York, et une grande usine de production à Suresnes où ils conditionnaient leurs parfums et ceux d’autres marques comme Jeanne Lanvin, Sonia Delaunay ou Gabrielle Chanel. » A la mort de son mari, Germaine ne se consacre plus qu’au conditionnement pour d’autres parfumeurs, avec son fils, Jean. « Puis mon beau-père a repris l’affaire de son père, avant de donner le flambeau à son fils Olivier, mon mari » explique Muriel.

La Normandie, terre de parfums d’exception
Olivier et Muriel Madeline ©Photo Parfums Volnay

C’est à cette époque – au début des années 90 – que la maison Volnay renoue avec la Normandie. Olivier Madeline quitte Suresnes et installe l’usine de conditionnement à Sainte-Marguerite-de-l ‘Autel, à deux kilomètres de Guernanville, où vit sa grand-mère. Mais en 2013, la crise oblige ce spécialiste du conditionnement de petites marques d’exception à fermer ses portes. L’occasion du renouveau : à l’aide des formules retrouvées dans la maison familiale, et grâce à quatre essences de la marque recréées par Jean Kerléo pour son Osmothèque, Amélie Bourgeois, leur nez, se lance. « Elle a créé un Etoile d’or, à l’identique. Les trois autres, Yapana, Brume d’Hiver et Perlerette ont été un peu modernisés et elle nous a réalisé Objet Céleste, son interprétation d’Etoile d’or »détaille Muriel. Côté production, si les parfums sont confectionnés à Grasse, à la différence de Cécile Vialla, les coffrets et les flacons uniques sont, pour le moment, confectionnés sur mesure à l’étranger, afin d’harmoniser coût et exigence de qualité, dans le respect de la marque.

C’est la Normandie qui nous rejoint

La Normandie, toujours

Une fois les fragrances retrouvées, comme pour les parfums de Cécile, elles partent à Grasse pour la production et la mise en alcool. « Nos parfums macèrent ensuite trois mois dans le noir avant le conditionnement, à Lille » souligne Muriel. Les finitions – un joli nœud brossé en soie, les contrôles, le cellophanage – sont effectuées à la main, à Guernanville, dans l’Eure. « Chaque détail a du sens. Ce n’est pas du marketing » stipule Cécile. Passionnées, les deux amies sont des perfectionnistes. « On raconte des histoires, il faut qu’elles soient cohérentes »renchérit Muriel. Toutes deux natives d’une région différente, la Mayenne pour Muriel, les Pyrénées pour Cécile, elles rencontrent l’amour en Normandie. « Il y a 20 ans, j’ai vécu 7 ans à côté de L’Aigle, à Rugles, avant de repartir à Paris. Pour moi, la Normandie, c’était un peu difficile au début… Mon premier amour normand, c’est Olivier, mon mari. Elle m’appelle, il y a quelque chose, c’est une découverte à chaque fois, ce n’est pas aussi immédiat que pour Cécile » avoue Muriel dans un rire franc.

La Normandie, terre de parfums d’exception
Mimomai 1925 Flacon Lalique ©Parfums Volnay

Un appel pour Muriel, un vrai choix pour Cécile. « Moi je suis du Sud-Ouest. En Normandie, ce que je trouve génial, c’est qu’on est à la fois vraiment à la campagne et vraiment à la mer. Rouen est une vraie ville, où on entend les mouettes, où il y a des vaches comme dans les Pyrénées… je me sens très bien, très à l’aise ici. Je m’y suis sentie tout de suite comme chez moi, c’est une vraie terre d’ouverture. » Fière de sa région d’adoption, Cécile y lance une idée innovante il y a deux ans : Corpo 35, un concours pour mettre en avant les nouveaux talents de la parfumerie. « C’est un concours inédit, parce que gratuit pour les candidats, ouvert à tous, quel que soit l’âge, la nationalité, la formation initiale ou le statut. Chacun vient avec ce qu’il sait faire et ce qu’il aime faire » précise Cécile. Seule condition : savoir composer un parfum. Le concours permet ainsi aux différents candidats d’avoir accès gratuitement à de belles matières premières en petites quantités, chose rare et difficile dans la profession. Un accès facilité grâce à des partenariats avec de gros fabricants internationaux : IFF (International Flavors & Fragrances Inc) l’année dernière et Robertet, cette année. De mi-octobre jusqu’en avril, les candidats travaillent ainsi sur la création de leur parfum. Au mois de mai, le jury se réunira avant la remise des prix en juin. Et en bonus, les créations des cinq lauréats seront alors produites… en Normandie !

La Normandie, terre de parfums d’exception
©Konstantin Subbotin

En bref :

  • En parfumerie, le  jus désigne la solution alcoolique d’un concentré de parfum, tandis que le nez est le surnom attribué aux créateurs de parfums.
  • L’Osmothèque est le Conservatoire international des parfums, situé à Versailles. Il a été créé par Jean Kerléo, parfumeur français, qui a notamment travaillé dans la maison de parfums Jean Patou.
  • Les Parfums Berry  sont nés de l’imaginaire flamboyant de Cécile Vialla et Charles Berry, qui habitent Rouen. 13 parfums sont déjà proposés dans un packaging fin et audacieux, et organisés en trois collections : Portraits olfactifs, Les Eaux Normandes et Tribulations. Cécile Vialla est également à l’origine d’un concours olfactif innovant, Corpo 35, pour dénicher les talents de demain. Un concours où toutes les productions seront made in Normandy !
  • Les Parfums Volnay  ont été créés il y a bientôt 100 ans, par Germaine Madeline – Normande en avance sur son temps – et son mari, René Duval. Depuis quelques années, Muriel et Olivier Madeline ont repris l’héritage familial avec pour objectif de respecter cette marque d’exception, entre patrimoine et modernité. Six parfums sont d’ores et déjà commercialisés pour offrir un véritable plongeon dans le passé.

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