Féminisation et rajeunissement de la profession, boom de la consommation, prise en compte des enjeux environnementaux… Alors qu’un cidre normand a été consacré meilleur cidre au monde en 2023, plus que jamais l’excellence de la Normandie s’illustre dans le domaine cidricole. Zoom sur 5 producteurs normands, emblématiques du terroir qu’ils défendent !
Le pressoir d’Or
Le Pressoir d’Or ? C’est avant tout un terroir, dans l’Eure, mais également une production familiale, puisque Margaux Doré travaille avec son père Eric – installé en 1987 – depuis 2015. Pour répondre aux attentes des consommateurs, père et fille ont choisi d’être certifiés biologiques depuis 2020.
Mon premier cidre ? Étant fille de producteur, je l’ai eu très tôt, peut-être pas dans le biberon… mais pas loin.'
Sucrées, acidulées, amères, douces amères : le verger du Pressoir d’Or est fort d’une quinzaine de variétés de pommes sur une quarantaine d’hectares, permettant ainsi à Eric et Margaux de proposer un large panel de cidres, brut, extra brut, de glace, rosé mais aussi doux, sec et demi-sec, régulièrement récompensés au Concours Général Agricole. « Le cidre se modernise notamment grâce à la communication et au marketing, qui nous font sortir de cette image de terroir vieillissant, mais il y a eu aussi chez les producteurs une amélioration de la qualité de la production » stipule la jeune femme. Le Pressoir d’Or essaie d’ailleurs régulièrement des choses nouvelles pour ne pas rester sur ses acquis, comme un cidre non pétillant.
Le cidre contribue au rayonnement de la Normandie parce que c’est un produit historique avec un savoir-faire ancestral, c’est aussi un acteur économique important du territoire et le verger normand est connu à l’international !
Le domaine de la Galotière
Cette fois, la transmission se fait de père en fils : direction le domaine de la Galotière, dans l’Orne, où Jean-Luc Olivier et sa femme Nathalie font perdurer le savoir-faire cidricole, installé depuis les années 60. Un savoir-faire qui s’exprime notamment à travers du cidre AOP Pays d’Auge, du poiré, du pommeau, du calvados et du jus de pommes, et qui ne risque pas de s’éteindre puisque le couple sera rejoint par leur fils Pierre comme associé en 2024.
Je suis un amoureux du cidre : c’est un produit agréable, qui peut se boire avec tout, avec lequel on peut aller du début du repas jusqu’à la fin – c’est un produit qui a une faible teneur en alcool et qui a des vertus, puisqu’il est plein de polyphénols*
En bio depuis 1997, le verger de la Galotière s’étend sur 45 hectares de verger hautes et basses tiges, dont 43 ha de pommiers et 2 ha de poiriers. La production des 50 variétés de pommes permet au couple de proposer près de 23 produits différents, y compris en termes de formats, avec les 33 cl. « On exporte dans 10 pays, surtout en Europe, mais aussi aux États-Unis et au Japon. Le cidre est un produit emblématique de la Normandie – puisque notre région est la première productrice de France, c’est aussi en Normandie qu’il y a le plus de vergers, mais aussi la plus forte densité de producteurs » soutient Jean-Luc Olivier. Assez moelleux, le cidre du Pays d’Auge se reconnaît également à son caractère peu acide et sa bonne amertume. Une typicité qui lui permet aussi de se garder très longtemps, pendant 3, 4, 5 ans.
C’est un produit moderne aujourd’hui, parce qu’il est faible en alcool, très naturel, qui nécessite peu d’eau, et qui est donc très écologique.
La cidrerie Hérout
C’est l’une des maisons cidricoles emblématiques du Cotentin, dans la Manche : la maison Hérout installée à Auvers depuis 1946, est également devenue incontournable sur bon nombre de tables à travers le monde. Maison familiale à travers Marie-Agnès Hérout, qui reste associée, la production a été reprise par trois jeunes Normands en 2018. « L’une des spécificités de notre production est l’usage exclusif de nos variétés anciennes et locales qui sont des variétés amères. Cette amertume est la colonne vertébrale de nos cidres » souligne Jean-Baptiste Aulombard, gérant et associé.
Pour moi, le cidre est une boisson vivante, naturelle, c’est une boisson à faible degré d’alcool : on est sur un produit très sain, très rafraichissant, et plein de gourmandise.
Quant à la renommée, elle est multiple et se joue sur des cidres plus secs que la moyenne, et très marqués sur les amers. On les retrouve dans une bonne quinzaine de pays : en Asie, notamment la Chine, le Japon et Taiwan, mais également aux Etats-Unis et en Scandinavie. Un attrait pour le cidre normand qui se confirme ainsi bien au-delà des frontières normandes et françaises. L’autre spécificité ? La vision de Marie-Agnès Hérout qui a su très tôt millésimer ses cuvées et s’est battue avec d’autres producteurs pour faire reconnaître l’appellation Cidre AOP du Cotentin. Précurseur également dans le travail en bio depuis toujours, les cidres sont certifiés depuis les années 70.
Le cidre se modernise de plus en plus avec l’arrivée de jeunes producteurs, ou la transmission de cidreries historiques : il y a cette envie de monter en gamme, de tenter de nouvelles choses, de tenter des fermentations un peu atypiques, en baril de vin par exemple, de travailler les assemblages… J’ai l’impression qu’on a de plus en plus une approche vigneronne sur les cidres naturels et cela le modernise.'
La ferme de la Sapinière
A la Ferme de la Sapinière, à Saint-Laurent-sur-Mer dans le Calvados, Michel Legallois cultive avec soin depuis 1991 près de 38 variétés de pommes à cidre. Sa particularité ? Des cidres à fermentation naturelle, non gazéifiés et non pasteurisés. Un travail technique avec les levures propres aux pommes qui permet au producteur-récoltant de proposer 6 cuvées. Les classiques, brut et demi-sec, mais aussi « une cuvée Louise Gautier, en l’honneur de ma grand-mère – plutôt gourmand, une cuvée du littoral, une cuvée rivage, pour l’apéritif, et la dernière-née, la cuvée Apple Oak, fermentée 5 mois en cuves, et 3 mois dans des fûts de cognac » énumère Michel Legallois.
Le cidre ? Il y en a énormément, avec différents types de fabrication. Il y en a pour tous les goûts : des légers aux plus puissants, des cidres plus typiques… tous les cidres sont bons : chacun se fait une idée propre selon sa consommation.'
Dans le Bessin, les vergers de bord de mer offrent un effet intéressant : les climats spécifiques – les fameuses saisons en une journée, propres au territoire normand – et notamment les vents de mer, ont tendance à brûler un peu les feuilles des arbres, développant une certaine acidité. Des cidres normands qui comblent également des palais autour du monde puisqu’on les retrouve notamment au Mexique, en Allemagne et en Belgique.
Le cidre se redécouvre aujourd’hui. L’approche est différente : il va accompagner les repas avec des cuvées très spécifiques. C’est l’univers du vin, mais sur la pomme !'
Les Normandises du Pradon
Sur les plateaux du Pays de Caux, à Gonfreville-L’Orcher, près du Havre en Seine-Maritime, Emmanuel Palfray défend avec force et fierté les cidres normands – il est président de CidrExpo et de la Maison Cidricole de Normandie – mais également la typicité de son terroir. « Le cidre du Pays du Caux, pour qui l’on espère obtenir une appellation protégée dans les années à venir, a sa particularité propre : il est léger avec une pointe d’acidité et un tout petit peu d’amertume » explique le producteur, qui élève ses poulets au sein même de ses vergers hautes tiges.
Pour moi, le cidre c’est la boisson de mon enfance. Son image a bien évolué depuis les années 90-2000, on a travaillé afin qu’il soit plus stable, mais également au niveau des arômes afin de travailler le goût.'
Pommes à cidre, jus de pommes, vinaigre… l’assemblage des pommes douces amères ou acidulées, permet d’obtenir la typicité désirée. « Ce qui fait rayonner le cidre aujourd’hui c’est que les jeunes s’en emparent, que ce soit du côté des producteurs ou celui des consommateurs. On n’a plus honte de boire du cidre. » Les pommes à cidre, issues de terroirs, à la différence du cider anglais, participe à cette reconnaissance. La fermentation lente, de manière œnologique comme les caves avec le vin, exprime ainsi tout le savoir-faire et la qualité de l’expertise normande.
On avait un produit très basique et banal : aujourd’hui il est devenu un produit œnologique qui s’accompagne d’une communication différente. Et surtout on a aujourd’hui une carte des cidres… chaque endroit a sa typicité propre : le cidre du Cotentin n’est pas le même que le Perche, pas le même que le Pays de Caux et cette diversité fait aussi la force de la Normandie. '
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