Rencontre avec Marc Cluizel, dirigeant de la manufacture Cluizel créée par Marc et Marcelle Cluizel en 1947, à Damville, dans l’Eure.
Publié le 29/03/2018
Temps de lecture : 2''50'
Qu’est-ce qui fait la particularité de la manufacture Cluizel ?
“Contrairement à ce que l’on imagine, les chocolatiers ne fabriquent pas leur chocolat : ils l’achètent brut, liquide. Le travail de fabrication – qui se fait à partir de la fève de cacao, le fruit – est très complexe. Nous avons un outil performant, qui nous permet de faire des produits que personne au monde n’est capable de faire. Notre spécificité, c’est de raisonner autrement : nous concevons un produit à la main, et ensuite nous réalisons tous les outils derrière pour le fabriquer : c’est un concept inédit. Ma fierté, c’est que nous sommes aujourd’hui la seule entreprise familiale au monde à fabriquer du chocolat haut-de-gamme pour les professionnels et ce, à un niveau international. Tous mes confrères sont des multinationales cotées en bourse et n’ont pas la même philosophie de travail.
A Damville, j’ai une très belle équipe à mes côtés, beaucoup de jeunes, mais aussi beaucoup d’anciens qui prennent plaisir expliquer leur métier, à transmettre leur savoir-faire.”
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ce secteur ?
“Depuis la création de l’entreprise, notre métier a énormément évolué. Le choix de mon grand-père, de fabriquer des chocolats fourrés – c’est-à-dire non bruts – à des détaillants confiseurs pâtissiers, est un marché qui s’effondre. En dix ans, j’ai changé l’axe de l’entreprise. Je souhaitais préserver notre savoir-faire, le développer, tout en gardant les circuits de distribution qui nous conviennent. J’ai donc gardé la même typologie de clients en proposant directement notre matière première et des confiseries, à des artisans, des chefs, sensibles à nos valeurs, qui font leurs propres bonbons de chocolat. C’est un métier qui fonctionne bien en France et à l’international, puisqu’aujourd’hui dans le monde, nous ne sommes que trois ou quatre à faire ces produits haut-de-gamme.”
J’ai une approche humaine, authentique, respectueuse, je ne cherche pas la rentabilité à court terme mais une durabilité, une authenticité dans la toute la démarche.
Comment avez-vous intégré les préoccupations des consommateurs ?
“L’idée, c’est que si on achète un chocolat plus cher, considéré haut-de-gamme, il doit se justifier. J’ai donc lancé une marque au nom de mon père, Michel Cluizel, pour expliquer au consommateur de manière positive ce qu’est un bon chocolat. Nous avons ainsi créé en 2000 un engagement qualité « ingrédients nobles » qui certifie sur 100% de nos produits qu’ils sont sans OGM et sans une goutte d’arômes ajoutés. Toutes les saveurs de tous nos chocolats sont uniquement liées à la sélection des matières premières, grâce au travail en direct avec des planteurs de cacao. Nous avons des magasins dans lequel nous donnons des cours d’initiation à la dégustation du chocolat. J’ai également créé un concept de comptoirs : nous avons installé des chocolats Cluizel chez des détaillants indépendants, épiceries finies, salons de thé, pâtissiers… qui mettent en avant notre différence.”
Quels sont vos projets ?
“Nous avons bien développé à l’export, puisque cela représente aujourd’hui 1/3 du chiffre d’affaires, mais mon objectif est d’arriver rapidement à 50%. Nous avons aussi créé un musée en 2000, à Damville, qui a besoin d’être réactualisé : je travaille dessus avec de grands professionnels pour en faire un lieu interactif innovant. Je souhaite également développer la marque Michel Cluizel, qui fonctionne bien. Et comme nous sommes dans un monde de communication, nous faisons un partenariat avec Philippe Conticini, considéré comme l’un des meilleurs pâtissiers au monde. L’idée est de commercialiser, sous la gamme « secrets de pro », les produits que nous destinons aux professionnels, au grand public, afin qu’il puisse faire des desserts… comme les chefs !”
Les chocolats Cluizel en bref :
- 1500 tonnes de chocolat fabriquées par an
- 1987 : 1er magasin vitrine créé par Michel Cluizel, rue Saint-Honoré, à Paris, baptisé « la fontaine au chocolat », repris il y a 5 ans par son fils Marc sous la marque Michel Cluizel pour valoriser le savoir-faire.
- Depuis 2012, ouverture de 5 magasins sur Paris dans des endroits prestigieux, deux magasins à New-York, un à Bucarest et 5 comptoirs en France. Les chocolats Cluizel sont présents dans 50 pays du monde
- 300 collaborateurs
- 25 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 1/3 réalisé à l’export
Un trophée en 2011, dans le cadre des « Chênes en’Or », décerné par la Société Générale et Eco 121, qui récompense les stratégies pérennes et performantes d’entreprises familiales. - 20 000 visiteurs accueillis par an au musée de la manufacture Cluizel de Damville, ce qui en fait le 8ème site touristique de Normandie
- 3 millions d’euros d’investissement pour le futur nouveau musée à Damville
Un peu d’histoire… Au lendemain de la seconde guerre qui les laisse ruinés, Marc et Marcelle Cluizel quittent Rambouillet pour s’installer à Damville, dans l’Eure. Délaissant la pâtisserie, leur cœur de métier, le couple lance en 1947 une idée innovante : confectionner des bonbons de chocolats fourrés pour des pâtissiers professionnels. Avec leur fils Michel, entré dans l’entreprise à 16 ans, ils développent leur savoir-faire, et s’agrandissent en 1972 à l’extérieur de la ville. Aujourd’hui, la 3èmegénération dirige l’entreprise : Marc et ses deux sœurs, Sylvie et Catherine.