Les métiers d’art ? Bien souvent une affaire du sensible : histoire, authenticité, souci du travail bien fait mais aussi modernité. Rencontre avec Hervé et Edith Autin, qui travaillent, en Seine-Maritime, tout ce qui a trait au tissu dans les maisons, châteaux, appartements : coussins, rideaux, fenêtres, chaises… De l’ancien au moderne, portrait d’un artisanat d’art méconnu qui fait rayonner la Normandie.

Une affaire de famille

« L’entreprise a été créée, ici, à Auppegard, par mon grand-père, en 1906 » explique Hervé Autin en désignant une charmante vieille maison à quelques mètres, qui accueille aujourd’hui l’atelier de démontage et de stockage. Au cœur de la campagne du Pays de Caux, le grand-père est tapissier et sellier : « il aimait travailler le cuir, les selles de chevaux, qui étaient omniprésents à l’époque. » Après-guerre, son fils lui succède. L’avènement des tracteurs et un certain goût pour les fauteuils le conduisent à se concentrer sur le métier de tapissier. C’est en observant son père restaurer sièges anciens et coussins rembourrés, qu’Hervé Autin se passionne à son tour pour le travail bien fait. A 16 ans, il entre comme apprenti dans l’entreprise familiale, puis une fois diplômé, devient salarié de l’atelier, et y rejoint sa mère, couturière.

On n’a pas le droit à l’erreur, on pense à l’histoire et c’est émouvant.

« 10 ans après, quand j’ai repris l’entreprise en 1986, j’ai souhaité la développer. La Normandie n’est pas loin de Paris, j’ai proposé à mes clients pour qui je faisais les résidences secondaires ici, de faire également leurs appartements à Paris » explique Hervé Autin. Le bouche-à-oreille a fait le reste. Aujourd’hui maître tapissier-décorateur, l’artisan peut s’enorgueillir d’avoir fait rayonner le savoir-faire familial. Restauration de sièges anciens ou contemporains, aménagement d’intérieurs, réfection de rideaux, de revêtements textiles de sièges, lits, bureaux, matelas, sommiers, pose et dépose… Depuis 30 ans, la maison Autin se rend tous les mois dans la capitale. Expertise et qualité : un doublé qui explique le succès. Son savoir-faire la conduit même à restaurer il y a quelques années le siège de la reine Marie-Antoinette, qu’un particulier s’apprêtait à rendre à Versailles ou encore d’assurer la réfection des 150 chaises traditionnelles du célèbre restaurant La Tour d’Argent.

Une affaire de rencontres

« Nous travaillons pour des clients passionnés, pour qui le mobilier a bien souvent une valeur sentimentale ou patrimoniale » souligne Edith Autin. Née à Versailles, Edith croise la route d’Hervé par le biais d’amis en Normandie. La rencontre sentimentale avec l’homme et son métier incite cette chef de secteur dans la grande distribution à passer un CAP Tapissière dont elle sort major national. Une vraie reconversion ? « Presque. A l’époque, je travaillais certes dans la grande distribution mais au secteur décoration ! Et puis j’ai une tante qui était au musée de la toile de Jouy, ma marraine était 1ère main chez Balmain… » nuance Edith dans un sourire. On lui propose alors un poste de professeur qu’elle assure pendant trois ans avant de rejoindre son mari, apportant la touche de complémentarité pour assurer le succès.

On va créer le décor, ils vont habiller leur maison, c’est très intime.

Hervé et Edith sont tous deux sensibles. A l’écoute au cœur de leur atelier où règne la sérénité, ils racontent leur métier. Et notamment le respect de l’émotion autant que celle de la rencontre. « Le mobilier se charge de sens, de souvenirs, de transmission – à ce titre, on restaure pour les clients, en respectant le goût et la tradition. Les fauteuils que l’on travaille ont une histoire, on voit bien souvent des yeux embués » souligne Hervé Autin avec douceur. Tapisserie rapiécée, Louis XV, meuble d’époque, de style… De la décoration aux études chromatiques en passant par des règles immuables aux calculs complexes : l’expertise du couple et de leurs 5 salariés, dont un apprenti, leur permet d’aborder tous les styles, toujours dans le respect des règles de l’art. Ici, on travaille au crin de cheval, à la toile de jute, l’huile de lin et aux produits à l’eau : « ce sont les procédés traditionnels pour respecter le mobilier et ne pas le dégrader. A l’époque, il n’y avait pas de produits chimiques » rappelle Edith.

Une affaire de goût(s)

L’autre versant du métier, c’est aussi de composer. Des châtelains normands aux particuliers parisiens, en passant par les industries : le couple Autin crée autant qu’il restaure. Leur savoir-faire s’applique aussi bien aux fauteuils anciens que contemporains : « on a réalisé le modèle de baldaquin d’un lit extérieur de luxe pour l’entreprise Tectona, avant que celle-ci n’assure la production. Nous sommes également chargés d’équiper les 85 chambres d’un hôtel Mercure avec une quarantaine de méridiennes » cite Edith en exemple. La créativité est souvent de mise pour refaire un canapé ancien mais très moderne ou encore s’adapter aux contraintes d’aujourd’hui avec l’arrivée de la domotique.

Ce qui est merveilleux dans l’artisanat, c’est d’être chef d’orchestre et musicien et encore plus dans l’artisanat d’art.

Quant aux qualités requises pour assurer l’activité, comptez sur une bonne dose de patience, un soupçon de flexibilité et beaucoup d’humilité. « Il faut également aimer les tissus, les mobiliers anciens, l’Histoire… et être méticuleux » précisent les deux artisans. En retour ? Un vrai métier-plaisir où se mêle satisfaction du travail bien fait, créativité, et renouvellement. « S’il y a des rituels, ce n’est jamais la même ambiance, chaque demande est unique » stipule Hervé. « Il y a aussi quelque chose de sensuel avec les tissus, la matière » ajoute Edith, qui défend avec conviction le savoir-faire, ajoutant « tous les métiers sont beaux quand ils sont faits avec passion ».

Les deux professionnels le démontrent d’ailleurs volontiers dans leur boutique-atelier, chaque année lors des Journées Européennes des Métiers d’Art (JEMA).

Une visite au cœur de l'atelier

Dans l’atelier d’Auppegard, Hervé et Édith sont heureux d’accueillir le public pour

  • une présentation des différentes étapes de la réfection d’un siège
  • une présentation de la réalisation / confection de double-rideaux

Les tapissiers (en siège ou en décor) font les démonstrations devant le public, le laissant poser des questions et découvrir les techniques, l’ambiance de l’atelier.

Un site internet sur l’univers du Tapissier piloté par la Maison est mis en ligne afin de mieux communiquer et poser des questions auxquelles les artisans d’art répondront même après les JEMA.

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