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Normastic

Rencontre avec Luc Brun, chercheur au laboratoire GREYC – ENSI de Caen et Stéphane Canu, chercheur au laboratoire LITIS – INSA de Rouen. Respectivement directeur et directeur adjoint de Normastic – la Fédération normande de Recherche en Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication – les deux chercheurs reviennent pour nous sur les collaborations en cours et l’importance du numérique pour les acteurs du territoire.

A quoi travaille Normastic ?

Luc Brun : C’est vaste ! Pour résumer, nous avons quatre axes de recherche. Le premier, « données, apprentissage et connaissances », concerne tout ce qui va permettre à un ordinateur d’apprendre : c’est ce que l’on peut appeler intelligence artificielle (IA). Le second axe, ce sont les systèmes complexes, que l’on peut voir comme une autre branche de l’IA : l’idée est d’avoir plusieurs ordinateurs avec des programmes relativement simples qui collaborent entre eux pour effectuer une tâche complexe. Le 3ème est orienté sur l’algorithmique et combinatoire, à la frontière entre l’informatique et les mathématiques, dans les domaines de la cryptographie, de la sécurité. Le dernier axe, « analyse et traitement d’image », correspond à l’amélioration d’images ou à la prise de décisions à partir de celles-ci. Cela comprend par exemple ce qui relève de l’imagerie médicale, mêlée avec des aspects de l’intelligence artificielle.

Luc Brun, directeur de Normastic, est chercheur au laboratoire GREYC – ENSICAEN
Luc Brun, directeur de Normastic, est chercheur au laboratoire GREYC – ENSICAEN

Quels sont les enjeux de ces recherches à l’échelle de la Normandie ?

Stéphane Canu : C’est une question difficile parce qu’au niveau de la recherche, notre vision est l’excellence internationale. Mais nous sommes bien conscients d’être sur un territoire : l’enjeu est d’arriver à diffuser cette excellence scientifique dans notre environnement socio-économique. Tout ceci a à voir avec la transition numérique : nous sommes à la pointe des connaissances dans le domaine du numérique et il faudrait qu’il y ait une acculturation de tous les acteurs pour qu’ils se rendent compte que finalement il y a beaucoup de choses intéressantes et utiles à faire dans le domaine du numérique.

Quels acteurs sont concernés par cette collaboration ?

Stéphane Canu : Tous types d’acteurs, à la fois les entreprises, les administrations, les collectivités, les hôpitaux, les associations… Il peut y avoir plein d’endroits où les applications de nos recherches numériques peuvent avoir leur intérêt. Par exemple, nous travaillons avec les CHU, ou encore avec le Rouen Autonomous Lab qui expérimente le véhicule autonome. Il y a cette idée de regarder les solutions économiquement viables pour le transport en commun de personnes, mais pour nous, c’est un sujet infini de recherches qui fait intervenir à la fois les aspects IA et Machine Learning, les systèmes complexes, les images voire la sécurité… Tous les axes de recherche de la fédération peuvent collaborer, et trouver les projets à effectuer en rapport avec cette problématique.

 

Luc Brun : Nous avons déjà des liens avec des entreprises du territoire, pas forcément directement avec NormaSTIC mais avec les deux laboratoires qui la constituent, c’est-à-dire le GREYC et le LITIS. Par exemple, nous travaillons avec la société ITEKUBE sur des problématiques de reconnaissance de gestes. Nous sommes en lien également avec des filières, des pôles de compétitivité comme le Pôle Tes (Transactions électroniques sécurisées) ou Moveo, dans le cadre – très large – du véhicule autonome.

Stéphane Canu, directeur adjoint de Normastic, est chercheur au laboratoire LITIS – INSA de Rouen
Stéphane Canu, directeur adjoint de Normastic, est chercheur au laboratoire LITIS – INSA de Rouen

Quel est l’intérêt pour les entreprises ?

Stéphane Canu : Pour moi, l’enjeu de la transition numérique, c’est principalement de créer de la valeur à partir des données. Les entreprises gèrent beaucoup de données, et toutes n’ont pas encore intégré qu’elles sont assises sur un trésor et qu’elles devraient les exploiter. Mais ce n’est pas facile : il y a des problèmes technologiques, d’infrastructures et de recherche. Nous intervenons sur ce dernier point. Il y a là une manière de freiner le phénomène de désindustrialisation par la création de valeur à travers l’usage des données. Vous êtes comme tout le monde : vous parlez à votre téléphone. Or, quand vous parlez, il traduit, par exemple, ce que vous dites en texte : c’est ce genre de choses que l’on veut infuser massivement dans les entreprises. Utiliser des techniques avancées de traitement des données pour améliorer la productivité. Et ce qui nous semble normal pour le téléphone, cela devrait nous sembler normal pour tout autre type de donnée dans les entreprises.

Y a-t-il des spécificités normandes ? Quelle est la force du territoire ?

Stéphane Canu : La Normandie est un parfait terrain de jeu pour certaines applications très spécifiques : sur la voiture intelligente, avec ce qui se passe à Rouen, ou à travers les ports de Normandie et la logistique. Quand je vois les travaux qui sont menés aux CHU de Caen et de Rouen, je vois des avancées qui sont au premier plan. La Normandie a fait des premières mondiales dans le domaine de l’IA sur la santé. Il y a des vrais résultats, de vraies spécificités régionales qu’il convient de bien mettre en avant.

La voiture autonome, menée par le Rouen Autonomous Lab est l’un des enjeux de recherche en Normandie ©Transdev
La voiture autonome, menée par le Rouen Autonomous Lab est l’un des enjeux de recherche en Normandie ©Transdev

Quelques exemples d’applications en Normandie, de créations, de projets en cours ?

Stéphane Canu : Nous travaillons par exemple avec une entreprise de chimie, Arkema, qui a un centre de production à Serquigny, dans l’Eure. Ils ont l’intention de monter en compétences, progresser sur les aspects numériques liés à l’IA, mieux maîtriser leurs processus. C’est une super entreprise et si on veut la maintenir ainsi que l’emploi sur place, il faut l’accompagner dans sa vision technologique et l’aider à se développer. Préserver l’emploi dans des endroits comme Serquigny, cela passe aussi par des collaborations avec la recherche pour faire pénétrer les nouvelles techniques issues de l’intelligence artificielle, au service de ces entreprises d’excellence.

 

Luc Brun : A Caen, nous avons un chercheur qui travaille sur l’identification du locuteur. Cela a forcément une application sur le téléphone également dans le cadre d’assistants personnels, type Google Home, afin de personnaliser les demandes.

En termes d’e-santé, quelles sont les perspectives ?

Stéphane Canu : Des collègues, avec le CHU de Rouen, ont créé, grâce à l’intelligence artificielle, des mécanismes pour générer automatiquement des images, de manière synthétique, à partir de ce genre de techniques. Nous essayons également de travailler pour analyser automatiquement les comptes-rendus d’hôpitaux, afin de pouvoir comparer deux patients à partir de leurs dossiers.

 

Luc Brun : Cela tend vers la prédiction du traitement le plus optimal. C’est d’ailleurs une problématique qui est aussi dans le projet Archade, à Caen. Il y a une série de patients qui ont subi tel traitement, avec tel résultat. L’idée est de trouver un moyen de capitaliser sur ce que l’on sait déjà pour donner le traitement optimal aux futurs patients, en prenant en compte le maximum d’informations du patient.

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Quels sont vos projets ?

Stéphane Canu : Nous avons des programmes de recherche et des doctorants qui sont financés par la Région. Il y a un projet en cours de création qui s’appelle le DataLab, un projet autour de la donnée : comment créer de la valeur à partir de la donnée, et comment faciliter son appropriation auprès de tous les acteurs régionaux. Pour cela, il faut créer des synergies entre la recherche, que nous représentons, et les acteurs économiques, pour développer cette culture de la donnée. L’objectif, à terme, est d’avoir un écosystème cohérent bénéfique à tous.

 

L’autre grand projet sur Rouen, c’est le TIGA, territoire d’innovation, autour du véhicule autonome. On peut mettre le paquet, développer des plateformes, faire collaborer tout le monde autour de ces problématiques. Tout cela créé de la donnée et il faut l’utiliser pour améliorer les systèmes. Comment capitaliser sur la donnée, comment sélectionner les bonnes données, comment utiliser ces données pour améliorer les systèmes… Ce sont des sujets de recherche passionnants.

Bon à savoir

  • Avant la fusion des deux régions, le GREYC représentait l’essentiel de la recherche en informatique en Basse-Normandie et le LITIS était son homologue en Haute-Normandie. L’idée de la fédération était de les rassembler, pour que Normastic représente l’essentiel de la recherche en informatique de Normandie. La Fédération dépend de plusieurs tutelles : le CNRS, l’université de Caen, l’université de Rouen, l’université du Havre et les deux écoles d’ingénieurs : l’INSA de Rouen et l’ENSICAEN.
  • Normastic a candidaté pour faire de Deauville, la ville où se situerait la conférence CML en 2021, la grande conférence européenne d’intelligence artificielle.
  • Le GREYC et le LITIS comptent parmi les 10 laboratoires de référence aux niveaux national et international dans l’IA avec une expertise et des domaines d’excellence dans les techniques d’apprentissage machine automatique (machine learning) et l’apprentissage profond (deep learning).

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