Loin de l’imaginaire collectif où pêcheurs haranguent le chaland, la première mise en marché du poisson à destination des professionnels se fait depuis quelques années sur internet, sur le principe d’une vente aux enchères.
Sous la halle à marée, où sont entreposés les produits frais, plusieurs étapes indispensables assurées par une équipe de 13 personnes, garantissent la vente. Reportage dans l’une des 5 criées normandes, à Fécamp.
Des professionnels de la région
Un lundi d’octobre, sur le port de Fécamp. Il est 4h30, sous la halle aux poissons. Eric Bazille, responsable de la criée et co-actionnaire de la SARL, devise avec quelques pêcheurs présents. Dans quelques minutes, la vente aux enchères va commencer, en ligne. « Nous sommes informatisés depuis une quinzaine d’années, ce qui permet aux acheteurs, poissonniers, grandes surfaces et majoritairement des mareyeurs, situés à Paris, Rouen, Dieppe, Boulogne ou dans la Manche, de commander à distance » explique Eric Bazille. Les mareyeurs, ce sont des grossistes, qui achètent les produits de la pêche, puis les préparent avant de les expédier aux marchands de poisson, centrales d’achat ou restaurateurs.
Sur la trentaine d’acheteurs du jour, seul Vincent, de l’Intermarché fécampois est présent. « Je suis là du lundi au vendredi, j’aime bien les embêter » souligne ce passionné dans un clin d’œil. Il est tôt, mais les esprits sont déjà réveillés. Autour d’un café nécessaire et mérité, l’ambiance est détendue, presque potache.
Arrivages permanents
Bar de chalut, bar de filet, congre, émissole, encornet, griset… aujourd’hui, 13 tonnes sont proposées à la vente, issues des pêches du week-end. La criée de Fécamp a cette particularité d’être ouverte 24h sur 24, avec des arrivages permanents. Coquillards, bulotiers, trémailleurs, chalutiers… une trentaine de bateaux délivrent leurs pêches à Fécamp. « Soit le poisson arrive directement ici, au port, soit nos camions vont relever les bateaux débarqués aux ports situés de Dieppe à Ouistreham » précise le chef de halle.
« On dépend des grandes marées, du mauvais temps, des saisons, des ouvertures, des quotas… aujourd’hui, on a 13 tonnes, mais nous allons parfois jusqu’à 40 tonnes. » Ce matin, pas de coquilles Saint-Jacques à la vente, faute de zone ouverte samedi. Une espèce très prisée qui a représenté pour la Criée fécampoise en 2017 un chiffre d’affaires de 4 millions pour 1 250 tonnes débarquées sur la saison.
Une fois arrivés bien au frais sous la halle, les poissons sont glacés, pesés, calibrés et directement enregistrés dans la base par les équipes. Des étiquettes avec numéros de lots leur permettront ainsi d’être affichés dans la base de données informatique, pour permettre aux clients de faire leurs prévisions. « Cela permet notamment aux mareyeurs de prévoir leurs achats, et les camions qu’ils doivent affréter. »
Vente aux enchères
A 5h, la vente peut commencer. Vincent est muni d’un boîtier noir, pour enchérir lorsque le lot qui l’intéresse apparaît à l’écran. Les chiffres défilent, les espèces se succèdent ; dans le bureau, Damien et Eric scrutent leurs écrans respectifs. Le premier fixe les prix tandis que le second reste attentif au déroulement des transactions. Les commentaires affluent, des festivités du week-end aux espèces affichées. « On ouvre une demi-heure avant toutes les autres criées normandes, cela nous permet de fixer les prix, qui sont ensuite indiqués dans les centrales d’achats. Ils vont se baser sur nos propres prix pour vendre » souligne Eric.
La particularité du jour ? Les prévisions météo qui ont quelque peu freiné les pêcheurs… et le temps chaud, le poisson étant valorisé par saison : « le consommateur préférera toujours le maquereau ou la sole lorsqu’il fait chaud, plutôt que des poissons qui se mangent avec de la crème » souligne Vincent. En parallèle, on s’active sous la grande halle : au fur et à mesure des transactions, Daniel et Giovanni rassemblent les lots par acheteurs, visibles sur le tableau numérique.
« Tout est classé par étiquettes et par clients. Le lundi, c’est une course contre la montre ! » Et pour cause, dès la fin de la vente aux enchères, les premiers mareyeurs viendront relever leurs commandes afin de les transformer au plus vite. « Pour écorcher la raie, la roussette, les mareyeurs ont besoin de la marchandise tôt, parce que certains produits doivent partir vite pour l’étranger. »
Course contre la montre
A 6h, la vente s’achève. Comme toujours, la totalité des produits a été vendue. Les lots ont été regroupés par acheteurs et mis sur palettes, le contrôle commence. « On sort les feuilles de vente : on vérifie que le nombre de casiers par clients correspond aux feuilles de commandes. » Un processus minuté complété par l’impression des bons de livraison. Le premier mareyeur à surgir, c’est Lecanu, le dernier de Fécamp : « aujourd’hui, j’ai pris des carlets, des grisets, des bulots, des encornets, des roussettes et des Saint-Pierre, que je vais vendre aux grandes surfaces et aux poissonniers. » Le second le suit de près, c’est un chauffeur de la Maison Bely, de Dieppe. « Les autres vont envoyer leurs transporteurs pour des premiers départs vers Paris puis Boulogne. Un second départ se fera vers 9h30-10h à destination de la Manche, du Calvados et de la Bretagne » explique le chef de Halle.
Tour à tour, les transporteurs affrétés par les mareyeurs en profitent pour décharger les caisses vides des précédentes livraisons. Celles-ci seront soigneusement lavées, puis empilées. Mais si le coup de vent est passé, l’activité est loin d’être finie. Il est 8h30. A l’étage, l’administration prend le relais pour gérer les éventuels litiges. La marchandise expédiée, il faudra laver la criée de fond en comble, pour dégager les jus et oublier les odeurs persistantes. « On attend les prochains bateaux vers midi. J’adore ce métier, il y a une belle ambiance, mais ce sont des métiers compliqués, avec des horaires comme celles-là, on a peu de vie » confie Eric. La 2ème des trois équipes est attendue vers 13h. Le ballet fascinant de la criée recommencera alors, dans une ambiance solidaire, qui lui permet, chaque jour, de garantir cette étape indispensable pour les produits de la mer.
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