Il y a parfois des trajectoires de vie qui inspirent le respect et des messages qui font rêver. Voici celui, par exemple, du Capitaine Julien Lepage. Originaire de Normandie, Julien est pilote et membre de la Patrouille de France. Entre humilité et persévérance : voici son portrait.

Voltiger dans les nuages

Né en 1980, Julien Lepage grandit aux alentours de Bayeux, à Sommervieu, dans le Calvados. « Mon père était responsable de l’entreprise Piercan à Port-en-Bessin : une entreprise qui fabrique notamment des gants en caoutchouc pour le nucléaire français. » A 14 ans, Julien découvre la Manche, et le lycée en internat à l’Institut Saint-Lô d’Agneaux. Dans sa 16ème année, à l’instar de beaucoup d’ados, il rêve de passer le permis moto. C’est sans compter la résistance parentale, qui juge la pratique un chouïa dangereuse… « Pour mon anniversaire, mon père a donc eu l’idée de m’offrir des cours de pilotage aux Ailes du Calvados, l’un des aéroclubs de Carpiquet. » Le cadeau parfait qui marquera le début d’un destin.

J’étais persuadé qu’il fallait faire maths sup, maths spé, ou avoir 18 au bac pour être pilote de chasse. En fait, pas du tout !

En 1997, après avoir obtenu le brevet de base qui s’obtient après 10h de vol, et permet de voler seul à bord en aéronef aux abords de l’aérodrome, Julien découvre la voltige. Une discipline proposée à l’aéroclub régional de Caen, également à Carpiquet. « J’ai passé mon baptême par pure curiosité, j’ai tout de suite adoré » se souvient le pilote. Conquis et doué, le jeune homme – que ses copains surnomment très vite Maverick* – commence les compétitions à l’été 1998. A cette occasion, une discussion à bâtons rompus avec des militaires de l’équipe de voltige achève de le convaincre. Il apprend par exemple que 50% des pilotes de chasse français sont recrutés pour être pilotes dans l’armée de l’air et officiers sous contrat. Ou que certains d’entre eux n’ont même jamais volé avant d’entrer dans l’armée.

Une carrière dans l’armée de l’air

Encouragé par ces conseils, Julien pousse alors la porte d’un centre de recrutement et d’information. Son idée ? Explorer toutes les possibilités de carrière dans l’armée de l’air. « J’ai reçu toutes les bonnes infos qui m’ont permis de postuler après mon bac. » Pendant un an, le jeune homme passe plusieurs épreuves de sélection : tests psychotechniques, psychomoteurs, visite médicale, épreuve d’anglais, entretiens avec psychologues et pilotes en fonction… Puis la bonne nouvelle tombe : Julien peut partir en sélection en vol avec l’armée de l’air. A l’époque – en septembre 2000 – les candidats doivent effectuer à Cognac une initiation militaire et 7 vols sur Epsilone : un biplace tandem avec moteur à hélice pour mesurer leurs capacités.

Depuis le 11 septembre, tout ce qui vole en France est observé et contrôlé régulièrement

Passionné, rigoureux et travailleur, le Normand entame ensuite le cursus standard pour devenir pilote de chasse dans la défense aérienne. Sa mission ? A bord d’un Mirage 2000, protéger l’ensemble des citoyens dans le ciel. « Par exemple, si un avion est en détresse ou ne répond pas, nous devons nous assurer que tout va bien, l’intercepter puis prêter assistance. » Une mission toujours assurée par les Mirage, spécialisés dans ce domaine, mais également par les Rafale, avions polyvalents de reconnaissance, de bombardement et de défense aérienne. Fort de cette expérience, Julien rejoint ensuite l’école de l’aviation de chasse comme instructeur sur Alphajet, là où les jeunes pilotes en formation obtiennent leur brevet. « C’était une super affectation : l’école était à Tours, à deux heures de Normandie, cela me permettait d’y passer tous les week-ends. Mes parents y sont, ma femme est originaire de Bretteville-sur-Odon… Nous sommes tous très Normands dans la famille » précise Julien en riant.

La patrouille de France : partager avant tout

En 2017, attiré par les démonstrations, le partage et la complexité technique du vol en patrouille à 8, Julien envoie un dossier de candidature pour intégrer la Patrouille de France. Seule condition pour y entrer, avoir la plus haute qualification chez les pilotes de chasse. « J’ai commencé pour la saison 2018. Chaque année, il y a 9 pilotes : 8 en l’air et un remplaçant, et la Patrouille est renouvelée par le tiers : les trois plus anciens partent et chacun change de position » détaille le militaire. Un perpétuel renouvellement pour se remettre en question – gage d’innovation et de sécurité. « C’est la base de l’aviation et encore plus dans l’armée de l’air et de l’espace » assure Julien. Le militaire débute comme intérieur, à proximité immédiate du leader ; enchaîne comme second solo à l’arrière droit pour effectuer les croisements, puis premier solo, pendant deux ans, Covid oblige.

La patrouille de France, on y rentre pour y trouver une certaine âme et c’est la sienne qu’on finit par trouver

A Salon-de-Provence, le quotidien se rythme en deux temps. D’octobre à mai, les pilotes sont en entraînement hivernal : réveil musculaire, premier vol, débrief, préparation d’un second vol, nouveau débrief et sport. 6 mois qui permettent à la Patrouille d’effectuer les 150 vols nécessaires pour présenter une démonstration aux autorités de l’armée de l’air. « Puis de mai à octobre, c’est la période de représentation, du jeudi au lundi, les meetings ayant souvent lieu le week-end. » 50% dans les nuages et 50% comme ambassadeur de l’armée de l’air et de l’espace. « On va à la rencontre du public, ce sont des moments d’échanges privilégiés où chacun peut poser ses questions. On a alors un énorme avantage : c’est très facile de dire que notre métier est bien quand on a l’impression de vivre un rêve » assure Julien, un sourire dans la voix.

Pédagogie et reconversion

« Cette année, c’est la dernière, je suis au sol : je dois être capable de remplacer tout le monde, sauf le leader, qui est irremplaçable. » Cette « maturité du pilote de chasse » que représente l’escadron des Alphajet, Julien la défend avec conviction : « il faut tordre le coup à l’idée que nous sommes l’élite : nous ne sommes que des représentants. Notre mission est de mettre en lumière ceux qui sont dans l’ombre. Pour moi, les héros, ce sont les chirurgiens de Necker, que l’on a la chance de rencontrer et qui passent leur temps à sauver des petiots de 3 à 6 mois. Nous ne sommes pas des individualités mais des ambassadeurs » répète-t-il avec force. Après cette parenthèse enchantée qui se refermera en octobre, Julien restera sous contrat avec l’armée de l’air pour encore quelques années. « En attendant de préparer ma reconversion et mes équivalences civiles, je vais rejoindre à Salon-de-Provence le centre de formation aéronautique militaire initiale, le premier escadron de tous les élèves pilotes. »

A plus de 40 ans aujourd’hui, j’ai compris des choses sur moi-même – avec l’armée et avec la patrouille de france. Il s’agit de servir plutôt que de se servir

Instructeur, Julien inculquera à ces jeunes passionnés les bases qui les suivront toute leur vie. « Quand vous arrivez en pédagogie à amener quelqu’un à un meilleur niveau qu’il estimait au départ… c’est extrêmement gratifiant. » Quant à la Normandie, qu’il garde précieusement au cœur, il continue à la valoriser et lui rendre visite dès que possible. « Elle a toujours été là. Même mon fils qui est né à Aix-en-Provence, sait qu’il est Normand. Même en déplacement à l’étranger, je parle de la Normandie. Et les Normands sont partout ! J’ai rencontré des Havrais à Dubaï, et la moitié de la Patrouille de France l’année dernière était normande » détaille Julien, un brin chauvin.

Et aux jeunes Normands qui voudraient se voir pousser des ailes, il délivre un dernier conseil : « si vous souhaitez devenir pilote, allez dans un centre d’information de l’armée, allez aux meeting et poussez la porte des aéroclubs : à Caen, Cherbourg, Le Havre, il y a des gens géniaux et passionnés. Oui, l’aviation ça coûte des sous, mais non ce n’est pas inaccessible. Et si c’est un rêve, donnez-vous les moyens de le réaliser. N’oubliez pas que les Normands peuvent réussir tout ce qu’ils veulent : après tout, on a envahi l’Angleterre ! »

*Maverick ? C’est LE pilote emblématique pour nombre de générations et incarné par Tom Cruise. Après le premier volet de TOP GUN en 1986, le second volet, sorti le 25 mai 2022, fait carton plein dans les salles.

J’ai versé des larmes pendant le film… il y a une âme derrière qu’ils ont réussi à capter. L’ambiance que l’on retrouve en escadron, la fougue et la passion qui animent chacun de nous, et dans un scénario qui tient la route !

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