L’astronaute Thomas Pesquet, le handballeur Thibaud Briet, l’actrice Karin Viard, l’auteur Michel Bussi, la chorégraphe Marion Motin… plus de 50 parrains et marraines et bien plus d’anonymes, défendent collectivement depuis plusieurs mois la candidature de Rouen Seine Normande comme capitale européenne de la culture 2028. Le 3 mars, la nouvelle est tombée : le jury a placé la candidature normande parmi les finalistes !
Décryptage d’un projet culturel et environnemental au long cours et de ses étapes, avec Rebecca Armstrong, déléguée générale de cette candidature et ambassadrice de la Normandie.

Comment est née l’idée de cette candidature ?

L’idée a émergé de différents endroits. A la fois de politiques mais aussi d’acteurs culturels du territoire. Tout le monde avait encore en tête Lille qui était capitale européenne de la culture en 2004 ou Marseille en 2013, et cela a suscité des envies. Alors quand il a été annoncé en 2018 que pour l’année 2028 la France était l’un des deux pays avec la Tchéquie, qui aurait une ville désignée capitale de la culture, très vite ont eu lieu les premières discussions. Rouen Seine Normande est donc l’une des 9 « villes » candidates et désormais parmi les 4 finalistes, aux côtés de Bourges, Montpellier et Clermont-Ferrand.

CE N'EST PAS UNE ENTITÉ ADMINISTRATIVE : C'EST UN BASSIN DE VIE

Rouen Seine Normande 2028, c’est quoi ?

C’est un cheminement collectif avec pour objectif de vivre en 2028 une année de célébrations, de fêtes, une année où la culture sera partout, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur, le long de la Seine, de ses affluents, dans les villes et villages.

Nous souhaitons que des propositions artistiques se réalisent sur tout le territoire, que les jeunes aient l’occasion de vivre cette expérience européenne, à travers la découverte d’artistes mais également via des voyages scolaires, en amont de 2028. Nous souhaitons aussi que des artistes de notre territoire puissent travailler avec des artistes européens.

Et pour y arriver, Rouen Seine Normande 2028 est aussi un projet de fond, dans lequel la Seine s’est révélée comme fil conducteur et même le personnage principal de la candidature.

De quel territoire parle-t-on exactement ?

C’est précisément le territoire qui va de Vernon-Giverny jusqu’au Havre et Honfleur, soit 11 collectivités – communautés d’agglomérations, villes, métropole – qui bordent la Seine sur ses deux rives, qui sont parties prenantes du projet et qui sont membres de l’association qui porte la candidature. Nous avons aussi deux départements (l’Eure, la Seine-Maritime) et la Région Normandie comme membres de l’association. Ce territoire représente un peu plus d’un million d’habitants.

Pourquoi ce choix de la Seine comme fil conducteur ?

Depuis 3 ans que nous travaillons sur cette candidature, nous avons rencontré plein d’habitants, des associations, des collectivités, des artistes et des entrepreneurs et il y a toujours eu un moment où la Seine est venue dans les discussions. C’est loin d’être un cliché que de dire qu’on lui a très longtemps tourné le dos. Il est temps de pivoter et de la regarder, parce que La Seine peut toutes et tous nous fédérer.

C'est aussi ça la force de notre candidature : à partir des sujets de fond, nous souhaitons que des propositions culturelles nous interpellent, nous sensibilisent et abordent tous ces enjeux.

Qu’est-ce qui fait de la Normandie une candidate sérieuse ?

Le sérieux de notre candidature et son sens, c’est justement de travailler à partir du fleuve. Parce que la Seine, de Vernon-Giverny jusqu’au Havre et Honfleur, ce n’est pas une entité administrative, c’est un bassin de vie. Les humains se sont toujours organisé autour des fleuves parce que l’eau a toujours été et restera une ressource indispensable.

C’est un espace géographique qui concentre plein d’enjeux : quand on regarde la Seine, avec la crise climatique aujourd’hui, avec la montée des eaux, il y a un risque d’inondations ; en même temps, le débit de la Seine va baisser en moyenne : cela va donc poser des questions pour la navigation fluviale. Avec un débit moindre et des sécheresses plus fréquentes, cela veut aussi dire que les concentrations en polluants qui arrivent dans la Seine peuvent être plus importantes…  Il faut savoir que le « fameux » continent de plastique n’est pas créé par hasard : 80% des polluants des mers sont charriés par les fleuves et les rivières. S’intéresser à l’espace fleuve, c’est donc se poser toutes ces questions et réfléchir à l’échelle d’une aire de transition cohérente.

Quel est le lien avec l’Europe ?

C’est un autre aspect qui fait la force de cette candidature : nous travaillons avec d’autres villes qui sont traversées par un fleuve ou une rivière et qui partagent les mêmes problématiques que nous. Je pense à Hanovre, qui est traversée par la rivière la Leine, ou encore Budejovice (ville lauréate pour l’année 2028 en Tchéquie). Nous travaillons aussi avec Aveiro, au Portugal qui en plus a la particularité d’être une zone lagunaire, mais aussi Skopje en Macédoine du nord (ville lauréate pour l’année 2028 au titre d’un pays candidats à l’entrée dans l’Union européenne), Trondheim, en Norvège, et Norwich, au Royaume-Uni. Tant du point de vue artistique que sur les enjeux de transition du territoire, nous construisons avec ces villes des partenariats solides.

LA MEILLEURE FAÇON DE SOUTENIR CETTE CANDIDATURE, C’EST D’EN PARLER

Quel impact aurait ce titre de capitale européenne de la culture sur le territoire ?

Il y en a plusieurs ! Pour le grand public, et pour les habitants du territoire, ce serait déjà un élément de fierté. Un signe que l’Europe nous reconnaît comme un territoire important où il peut se passer plein de choses.

Il y a également un impact sur la filière artistique dans son ensemble. Le monde entier de la culture va avoir envie de monter des projets en partenariat avec notre territoire. Nous ne voulons pas « juste » de supers spectacles produits par les plus grands noms internationaux le temps de deux représentations : on veut vraiment trouver des artistes qui ont envie de travailler sur le territoire à travers des résidences longues, et en nouant des partenariats avec des acteurs culturels locaux. En termes de rayonnement pour les artistes, cela va être fort.

Et puis je pense aux collectivités : l’autre impact concerne la mobilité, qui est une question importante pour nous. On veut qu’en 2028, les gens puissent aller assister et vivre des expériences de la capitale européenne de la culture sans dépendre de leur voiture individuelle. Les 11 EPCI, départements et région qui regardent dans le même sens, je pense que cela peut avoir un effet accélérateur sur les politiques d’aménagement. Je pense par exemple à la Seine à vélo – elle est faisable aujourd’hui mais il y a des tronçons qui méritent d’être créés ou plus sécurisés.

Comment soutenir cette candidature ?

La meilleure façon de soutenir cette candidature, c’est d’en parler autour de soi. On a un site internet : rouen2028.eu avec un kit de supporter, avec des visuels à télécharger, une newsletter qui permet de se tenir au courant et de partager les informations… Aujourd’hui, nous ne sommes qu’une petite association avec une équipe de 9 personnes, pour couvrir un territoire qui va de Vernon-Giverny à Honfleur, ce n’est pas beaucoup. Plus les gens se font écho de cette candidature et montrent qu’ils en ont envie et en parlent autour d’eux, plus cela pourra donner naissance à de beaux projets. Cela nous permet de repérer les initiatives, les belles idées et de construire tout cela collectivement.

Pourquoi ce choix de faire appel à des célébrités ?

Nous avons eu l’envie de nous entourer de plusieurs parrains et marraines, pour avoir une grande diversité. L’objectif c’est que chaque parrain que l’on sollicite apporte une couleur particulière. Par exemple, Thomas Pesquet, qui est un scientifique, explique dans son message de soutien que les chercheurs doivent travailler avec les artistes et les territoires pour répondre de manière collective aux urgences climatiques de transition écologique. Michel Bussi, l’écrivain, nous dit qu’il y a plein de choses à construire avec les enfants autour de l’écriture pour raconter le monde dont on a envie demain. Je peux citer aussi Julie Anquetin Rault, professeur en CFA, qui dit que c’est hyper important que la transmission des savoirs ne soit réservée aux grands chercheurs ou aux universitaires. Nous avons aussi un meilleur ouvrier de France, des poétesses, des musiciens, des chorégraphes, des philosophes, des plasticiens…

Quelles sont les prochaines étapes ?

Nous avons déposé notre dossier de candidature au mois de décembre 2022. Le 3 mars 2023, après notre oral, la veille, devant un jury européen de 12 personnes, experts du monde de la culture, nous avons appris que nous faisions partie des 4 finalistes, avec Bourges, Clermont-Ferrand et Montpellier.

L’histoire ne s’arrête pas là ! Nous avons remis un second dossier de candidature le 3 novembre. Le jury va désormais se déplacer dans les différentes villes candidates début décembre. Nous aurons pour objectif de leur faire vivre une expérience, afin qu’ils découvrent le territoire et qu’ils voient ce qu’on porte comme envie, comme message. Le 12 décembre, nous passerons le Grand Oral devant les 12 membres du jury européen.

Ensuite, le 13 décembre , le jury annoncera la ville lauréate.

Une année intense !

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