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La nageuse de l’extrême Marion Joffle, 23 ans, a réalisé un nouvel exploit ! Délaissant – pour un temps – les eaux glacées dont elle raffole, la multi-championne du monde originaire de Lisieux, a réalisé son rêve de traverser la Manche dimanche 21 août dernier. En parcourant 38 km en eaux salées en seulement 9h22, la Normande détient ainsi le nouveau record de France féminin. L’objectif principal derrière l’exploit : récolter des fonds pour la recherche contre les cancers infantiles, au profit de l’Institut Curie. Témoignage.

Contexte

« Les traversées de la Manche étant interdites par la France depuis quelques années à cause de l’immigration, je ne pouvais atteindre mon objectif qu’en partant des côtes anglaises, de la petite plage de Douvres.

L’attente a été longue… cette traversée a été décalée deux fois de suite, et l’année 2021 a été très difficile physiquement et psychologiquement. Mais si j’ai eu énormément de doutes pendant la préparation, je n’en ai eu aucun pendant la traversée : je voulais absolument terminer. Pour moi, c’était aujourd’hui ou jamais.

Le rendez-vous m’a été donné par le pilote le dimanche 21 août à 6h au port de Douvres, avec toute l’équipe, et le matériel : 34 bouteilles, soit 13h de nage étaient prévues, ainsi que les passeports, les documents administratifs et le paiement pour le pilote, bien sûr. »

Entraînements

« La préparation en eaux glacées m’a énormément aidée mentalement, mais pas physiquement. Il y a de grosses différences. La nage en eaux glacées se fait entre 0 et 5 degrés, l’eau brûle. Ce n’est pas la même sensation, pas le même froid. Dans la mer, l’hypothermie arrive plus lentement.

Pour m’entraîner, j’ai passé un mois à nager beaucoup, sur de longues distances, afin que les 34 km me paraissent atteignables. Et à 15 jours de l’échéance, je ne faisais que des petites sorties en mer. »

Le départ

« Première préparation : mettre de la vaseline, pour éviter le frottement du sel, entre le maillot et la peau, ainsi que de la Lanovaseline, pour boucher les pores de la peau et éviter la perdition trop rapide de chaleur. Puis c’est parti, pour la nage en crawl : la plus rapide, la plus simple et la moins énergivore. »

Ravitos

« 45 minutes plus tard, c’est le premier ravitaillement : boissons énergétiques, fruits – bananes, abricots secs, gâteau sport… mon équipe me donnait les liquides à travers une perche sur laquelle était montée une gourde à l’envers : l’idée était de prendre des ravitaillements rapides et ne pas dériver à cause du courant. Pour les solides, Arnaud, un ami ayant traversé la Manche, se penchait pour me les donner : je ne devais pas toucher le bateau pour ne pas être disqualifiée – le juge vérifiait. J’ai eu 20 ravitaillements sur 34 – le dernier étant à 9h15 de nage, soit à 7 minutes de l’arrivée. »

Homologation

« Le juge comptait également ma fréquence de bras, pour s’assurer que j’étais lucide, et que je ne faiblissais pas… mais j’étais à près de 60 coups de bras par minute : une fréquence élevée que j’ai réussi à maintenir. »

Coup de mou

« Un coup de mou m’a freinée à la moitié, après environ 4h, 4h30 de nage. J’ai eu de grosses douleurs aux hanches, ce que je redoutais. J’ai alors pris du thé chaud mélangé avec une boisson énergétique jusqu’à la fin : cela m’a permis de me réchauffer et de me détendre. La douleur s’est estompée. Je ne pouvais pas abandonner sachant que ma maman m’attendait en Normandie ! »

Conditions au top

« J’ai eu de la chance, je ne me suis pas du tout fait piquée : j’ai évité le bisou aux méduses ! Les conditions météo étaient fantastiques, avec du soleil au départ et un peu de nuages par la suite. L’été ayant été très chaud, je n’ai pas forcément ressenti de froid : la fraîcheur, oui, mais la température de l’eau ne m’a pas dérangée. C’était le plus petit coeff de marée possible, avec peu de houle, ce qui m’a permis de nager quasiment en ligne droite. En plus, le bateau était du côté droit, il me protégeait du courant et du vent d’ouest. »

Soutiens

« Quand je nage, je pense beaucoup : à plein de choses… que c’est chouette, que l’eau est chaude, j’estime le temps qu’il me reste au prochain ravitaillement. Les accompagnants sur le bateau m’ont fait sourire avec leurs encouragements : cela permet de motiver, de penser à autre chose. Un challenge se construit en équipe et sans cette équipe qui m’entoure, mon copain, mon entraîneur, je n’aurai jamais réussi cet exploit.

J’ai aussi énormément pensé à ma petite maman : savoir qu’elle m’attendait à l’arrivée de cette traversée, c’est une motivation fois 100, fois 1000 ! Tout comme lors de mon premier 25 km, mon premier objectif quand je sors : c’est maman et rien d’autre ! »

L’arrivée

« Malgré ce que l’on m’avait conseillé, je relevais énormément la tête et quand j’ai vu apparaître les côtes françaises ça m’a boostée ! On voit les gens, les arbres et les roches qui se dessinent… C’est plus difficile dans ce sens Angleterre-France, parce qu’il y a un courant – qu’on appelle le cimetière des nageurs aux abords des côtes françaises – qui est plus facile à gérer quand on est frais, qu’après 9h et quelques de nage et la lourdeur des bras. A l’arrivée, c’était compliqué de me mettre debout, après 9h dans une position horizontale, avec un épuisement physique et les rochers, j’ai eu un peu de mal. Je ne suis restée que 5 minutes sur le sol français, le temps de serrer ma maman dans les bras. Ensuite, je devais regagner le bateau et l’Angleterre pour rentrer en France de manière légale. »

Record

« Il était auparavant de 9h42, détenu par une Marion aussi. C’est une fierté de me dire que j’ai battu le record pour une nageuse française ; mais c’est un bonus que je ne prévoyais pas ! J’espère qu’il va tenir assez longtemps mais je serai ravie quand il sera dépassé, parce que c’est l’objectif de tout record. »

Prochains défis

« Je m’octroie deux semaines de vacances, pour laisser reposer mon corps. Je vais également faire le récit de cette traversée à l’Institut Curie, parce que c’est là que j’ai été soignée pendant de nombreuses années. C’est important pour moi de donner du courage, de dire que c’est possible.

Je vais reprendre ensuite l’entraînement avec mes petits bains glacés en chambre froide que j’aime tant. C’est la discipline dans laquelle je m’épanouis énormément. Mon objectif, c’est notamment, l’Antarctique en février 2024, pour retrouver tous les givrés de la planète au pôle Sud, mais aussi les Championnats du monde, qui se dérouleront en France. Je ne vis pas de mes exploits, c’est quelque chose que je fais sur mon temps perso… »

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