Lauréat du prix Gérard Beltrando récompensant la meilleure thèse en climatologie, François Beauvais, 29 ans, est climatologue-géographe à l’université de Caen. Il revient pour nous sur cette distinction, ses recherches en Normandie, et sur les questions climatiques qui en résultent.
Publié le 01/09/2022
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Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis climatologue-géographe, docteur en géographie physique et environnement. Après une licence et un master en géographie physique, j’ai débuté, en 2017, une thèse de doctorat sous la direction d’Olivier Cantat (climatologue-géographe) et de Philippe Madeline (géographe ruraliste) dans les laboratoires CNRS LETG GeoPhen (aujourd’hui IDEES) et ESO de l’université de Caen. J’ai défendu ma thèse en décembre 2021. Les résultats associés à ce travail m’ont ensuite permis d’être lauréat du Prix Gérard Beltrando 2022 récompensant la meilleure thèse de climatologie, décerné par l’Association Internationale de Climatologie.
Sur quoi portait votre thèse ?
Mes recherches se rattachent plus spécifiquement à l’agroclimatologie et à la géographie agricole puisqu’elles s’intéressent aux conséquences du changement climatique sur l’agriculture. Il s’agit d’études d’impact prospectives sur les cultures du blé tendre d’hiver en Normandie pour différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre aux horizons 2050 et 2100. Ce travail a ensuite été étendu pour d’autres plaines agricoles françaises et dupliqué pour le lin fibre de printemps en Plaine de Caen et le maïs ensilage dans le Grand-Ouest français. Plus largement, ma thèse a questionné le devenir des agrosystèmes. Elle expose la complexité du changement climatique pour les productions agricoles, avec l’évitement de certains aléas et l’exposition à d’autres jusqu’à présent peu considérés, tout en questionnant les jeux d’échelles géographiques.
Pourquoi la Normandie ?
Avec mes directeurs de thèse, nous nous sommes intéressés à ces cultures parce qu’elles occupent une place importante en Normandie. Chaque année 3,6 millions de tonnes de blé sont produites dans la région et cette céréale représente 24 % de la surface agricole utile normande. Les rendements des exploitations agricoles normandes (77 q/ha) sont supérieurs à la moyenne nationale (71 q/ha) et nous disposons à Rouen du premier port exportateur de céréale en Europe occidentale. Aussi, cette plante est au cœur des enjeux mondiaux de la sécurité alimentaire. Enfin, la Normandie est la première région productrice de lin dans le monde et constitue une spécificité régionale. Bien que le climat normand soit favorable à cette production, le changement climatique pourrait la remettre en cause. C’est donc une thèse au cœur des enjeux agricoles régionaux et qui pourrait constituer une première étape dans le développement de recherches appliquées pour la filière agricole en Normandie.
Par ailleurs, je suis né à Caen. J’ai effectué toutes mes études supérieures à l’université de cette même ville. Je suis par conséquent un pur produit de l’université normande. J’aime beaucoup ma région et je suis donc très heureux d’avoir mené mes travaux de recherche en Normandie et sur son agriculture, cela me tenait à cœur.
Qu’est-ce que cette distinction vous apporte ?
Cette distinction de l’Association Internationale de climatologie apporte une reconnaissance supplémentaire à mes recherches réalisées dans le cadre de ma thèse de doctorat. Elle valide une fois de plus mes compétences dans le domaine de la climatologie et valorise le travail des jeunes climatologues. Par conséquent, j’espère que cela m’aidera à trouver les conditions favorables à la poursuite de mes travaux scientifiques. Plus largement, ce prix international participe au rayonnement de la région (ayant financé la thèse), de la recherche normande et de ses universités.
En quoi la Normandie est-elle légitime pour aborder ces questions ?
La Normandie n’est et ne sera pas épargnée par le changement climatique. De ce fait, l’ESR normand est plus que légitime pour développer des recherches et délivrer des enseignements sur cette problématique afin d’identifier et mieux appréhender les conséquences possibles dans notre région. C’est d’ailleurs une nécessité. Le besoin de recherche est conséquent afin de produire la connaissance et l’aide à la décision pour accompagner nos territoires et nos sociétés dans leur transition et adaptation. Mais pour parvenir à cet objectif, il faut renforcer la place de la climatologie dans l’université normande.
Quel regard portez-vous sur l’Enseignement Supérieur normand ?
La Normandie dispose d’un ESR de qualité. Mon profil de climatologue s’est d’abord enrichi de la diversité et de la rigueur des enseignements proposés en licence et en master de géographie, utiles au développement de compétences nécessaires à l’entrée en doctorat. Mon travail de thèse a été mené au sein des laboratoires dont la qualité des recherches permet au jeune chercheur de trouver d’excellentes conditions d’encadrement et de travail. Le fonctionnement des laboratoires intègre la formation des doctorants au métier d’enseignant-chercheur en les formant à la recherche scientifique, aux communications et publications dans des revues et colloques internationaux, à l’enseignement universitaire ou encore à la vulgarisation scientifique. Cependant, l’ESR manque réellement de moyens, en termes de recrutement, d’achat de matériel, de déplacements… pour réaliser pleinement son potentiel.
Sur quoi porte votre travail aujourd’hui ?
Aujourd’hui je suis chercheur post-doctorant sur le programme DARTHYS porté par Romain Reulier en géomatique et en hydrologie. L’objectif est de mieux comprendre dans quel contexte agrophysique (hydrologie, géologie, reliefs, occupation des sols) s’insèrent les routes du Calvados, la contribution des bords de route dans l’hydrologie et le transport des sédiments issus de l’érosion des sols au sein des bassins versants. Ce contrat me permet de développer de nouvelles compétences en géographie physique, dans l’attente de trouver un poste de climatologue. Mais en parallèle, je poursuis mes recherches en climatologie sur mon temps libre.