La belle histoire que vous allez lire nous vient d’une ambassadrice normande expatriée aux États-Unis, Virginie Feutry Durr, sans qui ce D-Day 2022 n’aurait pas cette saveur particulière. Grâce à son passé et son engagement, elle a pu emmener avec elle une compagnie d’aviation américaine, un ancien joueur de NFL, un exécutif de Michelin et la plupart de ses nombreux collègues derrière un projet un peu fou : offrir un avion tout spécialement affrété pour des vétérans américains de la Seconde guerre mondiale pour le 78ème anniversaire du Débarquement. Un vol historique : c’est la première fois qu’une compagnie américaine se pose directement en Normandie, à Deauville, depuis Atlanta aux USA le 2 juin. Portrait.

An american dream

Tout commence, comme bien souvent, par une histoire familiale… et normande. Et plus particulièrement celle de la grand-mère de Virginie Durr, née Feutry. « Mes grands-parents habitaient la Normandie, à Caen. Ma grand-mère, Dr. Virginia Feutry, était d’origine roumaine, diplômée de médecine en 1936. Elle a partagé avec moi son expérience de la guerre et m’a beaucoup imprégnée de son admiration pour les Américains, les libérateurs. » Son grand-père, Rolland, est Doyen de la faculté de pharmacie de Caen, son père Jean-Pierre Feutry, est médecin aujourd’hui à la retraite à Hérouville-Saint-Clair et sa mère, Anne-Marie Feutry-Titon, a été Directrice à l’hôtel maternel au CHR de Caen… Inspirée tout autant par ce passé familial que par ses carrières, Virginie se lance à son tour dans des études paramédicales.

A 11 ans déjà, j’écrivais dans une dissertation ce que pourrait être ma vie aux Etats-Unis

Son objectif est de devenir orthophoniste. Mais l’attrait pour le Nouveau Monde ne la quitte pas. « J’étais focalisée sur les États-Unis, la langue… j’ai été bercée par La Petite Maison dans la Prairie et Dallas ! » se souvient Virginie dans un sourire. La dernière année de ses études d’orthophoniste, en stage à Toulon, un premier signe du destin s’ouvre sous la forme d’un porte-avion. « J’ai rencontré un militaire… qui est devenu mon mari pendant 12 ans. » Après son diplôme, Virginie lâche tout, bagage familial et carrière, pour le suivre. Ils auront deux beaux enfants, aujourd’hui âgés de 24 et 26 ans.

Virginie et sa grand-mère

Le virus de la compagnie aérienne

C’est donc les mains dans les poches mais la tête dans les étoiles, que Virginie fait ses premiers pas dans ce pays dont elle rêve tant. Terre d’opportunités, oui, à condition de s’y investir sans compter. « Cela a été difficile, j’ai commencé par livrer des journaux à 4 heures du matin, puis j’ai donné des cours de français, de piano… mais j’ai toujours été portée par le positivisme là-bas : il y a une énergie très forte qui unit ce peuple. » Un jour, on lui offre l’opportunité de rejoindre Delta Air Lines. Séduite et passionnée par la culture de cette compagnie aérienne, elle gravit les échelons.

A travers le Chairman’s Club, cette reconnaissance offre un contact privilégié avec nos exécutifs

Efficace et investie, on lui propose ensuite de devenir chargée d’affaires chez Delta Air Lines – un poste à responsabilités pour gérer les plus gros comptes globaux, tels que l’entreprise Michelin. « Du jour au lendemain, avec la crainte de ne pas être à la hauteur, je me suis retrouvée à ce poste » se souvient Virginie. Une crainte peu fondée puisque 3 ans plus tard, l’entreprise la distingue comme figurant parmi les 100 meilleurs employés (Delta Air Lines en compte 80 000), une reconnaissance qui lui permet de rejoindre le Chairman’s Club, offrant plusieurs avantages, dont celui de côtoyer de près les dirigeants. Tout doucement, les éléments se mettent en place… Passion pour les Etats-Unis, libération normande, compagnie aérienne… ne manque qu’un déclencheur, symbolisé par un documentaire : The Girl Who Wore Freedom, que Virginie découvre en pleine pandémie.

The Girl Who Wore Freedom

C’est un choc. Ce documentaire, de l’Américaine Christian Taylor, retrace comment les Normands ont vécu la libération de juin 1944, à travers le regard et l’expérience de la petite Danièle Patrix, 5 ans au moment du Débarquement, et dont la robe a été confectionnée par sa maman avec des parachutes américains. « La petite fille vêtue de liberté », tourné dans la Manche, touche les racines normandes de Virginie. « J’ai été séduite par l’originalité : qu’une Américaine raconte ce que la Normandie fait pour les Américains, chaque année, lors du D-Day. Ce film valide qu’on n’a jamais oublié ce qui s’est passé entre nos deux pays, il mérite une vraie visibilité » explique Virginie. Forte de la crédibilité acquise au sein de son entreprise, Virginie réussit à convaincre sa compagnie aérienne, puis le partenaire de Delta, Air France, de diffuser le film à bord des avions.

Plusieurs millions de voyageurs par jour peuvent découvrir l’histoire du débarquement en Normandie.

Cet hommage aux forces alliées, et notamment aux GI – le film souligne l’importance des commémorations – trouve une forte résonance chez de grandes compagnies, comme Delta Air Lines, qui, à l’instar de la filiale américaine du groupe Michelin, ont créé un partenariat avec des vétérans. « J’ai appris que l’un de mes clients, Michelin, avait participé au documentaire. En échangeant avec David Chapman, Vice- President Michelin, Colonel retraité et ancien attaché de l’Ambassade Américaine à Paris chargé des commémorations, on s’est dit qu’aller un jour en Normandie ensemble, ce serait super. » Et encore mieux, avec des vétérans de la Seconde guerre mondiale…

Un direct Atlanta-Deauville

L’idée est implantée. Mais comment la mettre en œuvre ? Comment identifier ces vétérans ? Virginie contacte alors Valérie Gautier-Cardin, présidente de l’association Retour des vétérans en Normandie, qui apparaît dans le documentaire. « Elle m’a appris qu’elle travaillait avec Donnie Edwards, un ancien joueur de NFL (football américain), fondateur de The Best Defense Foundation. Je l’ai contacté et nous l’avons présenté à notre PDG de Delta, Ed Bastian. Le 12 décembre 2021, Ed a annoncé son accord : « ok, on y va. » C’était extraordinaire. » Dès lors, un élan incroyable s’empare des employés de la compagnie aérienne. Si Virginie est le chef d’orchestre de ce projet un peu fou, nombreux de ses collègues s’investissent par ailleurs – soirs et week-ends pour le mener à bien. Logistique, bagage, décorations, hébergement, accompagnants… tout est minutieusement préparé pour emmener 28 à 30 vétérans en toute sécurité.

Je suis très fière de delta mais aussi très fière de la Normandie de s’être investie et d’avoir répondu présent.

« Quand on écoute les vétérans, il y a une sagesse, une richesse, des histoires extraordinaires qu’il ne faut pas laisser mourir avec eux. » Au-delà de rendre hommage au passé, l’idée est de continuer à sensibiliser les jeunes générations. « La liberté n’est pas gratuite, il ne faut jamais l’oublier. » Le 1er juin, en concertation avec la ville et l’aéroport de Deauville, la Région, la ville de Caen, un Boeing 767 a donc décollé d’Atlanta pour un vol direct jusqu’à l’atterrissage le 2 juin, à Deauville. Un vol historique pour ramener ces GI américains sur les traces d’un combat que personne ne doit oublier.

Bon à savoir – Les clins d’œil de la vie !

En 2018, Virginie Durr invite ses amis américains en Normandie. Elle rencontre à Utah Beach un vétéran, Georges Shenkle, avec qui elle sympathise. Malheureusement décédé depuis, elle découvre dans son avis de décès un lien vers le documentaire The girl Who Wore Freedom…

28 vétérans de Delta et 8 vétérans de Michelin – comprendre des militaires en réserve – accompagnent les vétérans de la Seconde guerre mondiale. Certains d’entre eux sont hébergés chez un Normand de 86 ans et sa famille, qui a survécu au Débarquement, ému d’accueillir des Américains chez lui.

Danièle Patrix – la petite fille vêtue de liberté, aujourd’hui 83 ans, a fait partie du vol avec sa fille : invitée par Delta, Air France et Michelin aux États-Unis, elle a pu assister à la projection du documentaire à New York la semaine dernière et était à bord du charter pour atterrir en Normandie avec ces anciens combattants qui l’ont libérée il y a 78 ans.

Par décret du 11 janvier 2022, Virginie est nommée Conseillère du Conseil extérieur par le Premier Ministre et investie de quatre missions : conseil aux pouvoirs publics, appui aux entreprises, formation des jeunes à l’international et promotion de l’attractivité de la France.

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