Expérimentateurs, curieux, passionnés… S’ils sont connus pour leur safranière, la 3ème de France et première de Normandie, Pascal et Annie Guérard n’ont pas mis toutes leurs épices dans le même panier : depuis 10 ans, ils cultivent également le yuzu, petit agrume du Japon, aux bienfaits naturels et très prisé des chefs étoilés. Une production inédite en France !
Publié le 21/02/2020
Temps de lecture : 3''20'
Et si on faisait du safran ?
Seconde vie
Nichés dans un ancien corps de ferme du pays de Falaise, à la Hoguette, Pascal et Annie Guérard cultivent depuis une dizaine d’années leur curiosité comme leurs productions : avec passion. Une seconde vie pour le couple de juristes, dont le cabinet de contentieux les amenait à avaler quotidiennement des centaines de kilomètres sur une trentaine de départements. Un rythme effréné qui s’est arrêté avec les problèmes de dos de Pascal, il y a un peu plus de 10 ans. « On a voulu faire autre chose, et je souhaitais une activité en rapport avec la nature » confie Annie, fille et petite-fille d’agriculteurs du Calvados.
Installé depuis 1989 sur 8 hectares en bordure de bois, le couple décide alors de se lancer dans la production biologique et artisanale de safran : une épice délicate qui nécessite patience et minutie. Vente directe, aux chefs, à des industriels ou aux particuliers, produits dérivés…Très vite, « l’or rouge » made in Normandie, cultivé avec soin par Annie, est un succès et remporte deux titres au Salon de l’Agriculture pour sa qualité irréprochable. « Mais quand on reste sur des surfaces limitées pour préserver la qualité, cela ne suffit pas pour vivre » souligne Pascal, qui a l’idée de développer en parallèle sa propre marotte : le yuzu.
La Normandie a la même amplitude thermique que le Japon !
L’agrume national du Japon
Enfant d’un mandarinier sauvage chinois greffé sur un citronnier japonais au 7ème siècle, le yuzu se cueille sur l’arbuste du même nom. En 2010, Pascal rencontre le seul producteur français, près de Perpignan. Séduit par l’implication des Normands, il fait importer et leur vend une vingtaine d’arbustes épineux aux feuilles si particulières. « Ils ont mis 1 mois et demi à arriver. Ils étaient jeunes et donc fragiles : on les sortait et on les rentrait régulièrement » se souvient Annie. Un challenge réussi et au bon timing : depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima, le Japon a durci ses règles d’exportation, le yuzu ne franchit plus les frontières du pays.
Si le climat normand se prête étonnamment bien à ces cultures asiatiques, le couple a relevé deux différences notables : « à Kyoto, en juin/juillet, c’est la saison des pluies, le taux d’ensoleillement n’est que de 4 à 5 heures par jour, pour 22° : il y a donc plus de soleil en Normandie, et nous devons les réhydrater régulièrement. » Deuxième différence : le gel, dont le pays du soleil levant ne fait pas les frais. Si l’arbuste est résistant, Pascal et Annie sont donc particulièrement à ses soins lors des chutes de températures. Agrume national au Japon, le yuzu est reconnu pour ses bienfaits sur le corps : antioxydant, anti-inflammatoire, fortifiant capillaire, anti-agrégant plaquettaire… Des bénéfices qui ne font pas rougir les saveurs : à mi-chemin entre le citron vert et la mandarine, il se marie très bien avec les légumes, les produits de la mer et les desserts.
Tout est possible avec le yuzu, même les feuilles sont odorantes !
Atouts normands
Disponible à partir de septembre, le yuzu est cueilli vert, pour le zeste, puis mûrit trois semaines au frais. Un zeste très puissant – idéal en vinaigre – miels, confitures avec l’intérieur de l’agrume, jus, nougats, décoctions… Annie teste et enchaîne les recettes, toutes entièrement naturelles et bio. Et garde une partie de la production pour le territoire : « C’est un ingrédient très prisé, les chefs en raffolent » explique le couple, dont l’adresse figure en bonne place dans les carnets de nombreux restaurateurs normands. « Nous avons également des clients à Clermont-Ferrand qui l’utilisent pour le miso, et des industriels en Bretagne pour préparer leur rhum arrangé. » Désormais seuls producteurs français, la demande est telle qu’Annie et Pascal ont d’ores et déjà le projet d’installer deux nouvelles serres, à partir de leurs propres greffes.
Arnaud Viel, Johan Thyriot, Stéphane Carbone… Déjà conquis par le safran et le yuzu, les chefs normands sont les premiers clients du couple de producteurs, sans cesse à la recherche du renouvellement. Oca du Pérou, Crosne du Japon, sudachi, combava, ail noir… « J’aime voir pousser » déclare simplement Annie. Quant à Pascal, sa dernière passion le pousse à explorer les poivres. Mais pas n’importe lesquels : « c’est le poivre du Sichuan, qui pousse en arbustes, et non en lianes. Des poivres très puissants… au goût d’agrumes. » Un « faux poivre » également très prisé qu’ils pourront proposer aux restaurateurs dès l’année prochaine…
Le saviez-vous ?
- Le safran était cultivé au Moyen-Age en Normandie. Si Pascal et Annie ont été les premiers à réintroduire la culture sur le territoire, on recense désormais deux à trois producteurs dans la région
- Le safran est l’épice la plus chère du monde : il faut des dizaines de milliers de fleurs pour récolter à peine plus de 100 grammes
- Annie et Pascal ouvrent leurs 15000 m2 de culture à la visite gratuitement sur rendez-vous
- Le yuzu : 1 yuzu peut donner jusqu’à 150 fruits, mais il n’y a jamais de garantie ! Il est considéré comme un alicament : c’est-à-dire un médicament naturel. Il appartient à la famille des agrumes et a plusieurs vertus reconnues : très riche en vitamine C, il donne de l’énergie ; il est bourré d’anti-oxydants, il aide le corps à fabriquer le collagène et facilite le transit !
- Miels, confitures, douceur, fleur de sureau, gelée, compote, reine-claude, figue, pétales de rose, poire, carottes… au gré des productions et de ses envies, Annie compose des confitures et miel bio au safran et au yuzu qu’elle propose à la vente sur des évènements ou à domicile
Contact : lesafrandenormandie@orange.fr