Créé en 2020, le club des ETI (entreprises de taille intermédiaire – entre 250 et 4 999 salariés, avec un chiffre d’affaires n’excédant pas 1,5 milliard d’euros) favorise la collaboration des ETI normandes, ainsi que les PME à fort potentiel.
Début 2024, le club et la Région Normandie ont signé un partenariat, l”ETI Act”, avec l’objectif commun de se mobiliser pour accompagner la réindustrialisation du territoire, le développement des activités commerciales et services et de l’emploi. Avec plus de 60 membres, le club se veut résolument dans l’action, et invite les entreprises à le rejoindre.
Rencontre avec Christophe Meganck, délégué général du club.
Comment est né ce club ?
A partir d’un constat national : la France compte 5 400 ETI, qui représentent un chiffre d’affaires cumulé de 1 000 milliards d’euros, 3,4 millions de salariés, et plus d’un tiers relèvent des secteurs de l’industrie et de la construction. Mais avec la désindustrialisation, la France en a perdu et nous sommes loin des chiffres de nos voisins européens. L’Allemagne en compte près de 15 000, la Grande-Bretagne 13 000, l’Espagne et l’Italie, environ 8 000 chacun… nous sommes à la traîne.
En quoi est-ce un problème ?
Les ETI sont stratégiques et qualitativement importantes. Les différentes crises – 2008, la Covid, l’Ukraine – montrent notamment combien ces entreprises sont résilientes, continuent d’innover et d’investir en dépit des difficultés. Elles constituent un véritable actif stratégique pour l’économie : 25% de l’emploi – dont 38% dans l’industrie manufacturière – elles pèsent 34% des exportations, 75% d’entre elles sont présentes à l’international, et elles représentent plus de 25% du taux d’investissement. Elles se sont engagées également bien souvent dans la transformation de leur modèle pour être plus responsables, plus durables, bien avant les réglementations. Elles sont, enfin, très attachées au Made in France, et en l’occurrence au Made in Normandie !
Justement, que représente le tissu des ETI sur le territoire ?
On compte environ 150 à 180 ETI en Normandie, dont 50% sont industrielles et de nombreuses relèvent du service aux industries ; il est difficile d’extraire les chiffres spécifiques à notre région, mais nous avons la chance d’être une région industrielle, par conséquent, le poids économique des ETI doit sûrement être corrélé aux chiffres nationaux. Le club ETI Normandie pèse environ 30 000 emplois et 6 mds €, on peut donc extrapoler… Aujourd’hui, quasiment toutes les régions sont dotées d’un club ETI. Ce n’est ni un syndicat patronal, ni un club spécifiquement des dirigeants ni un club de filières, mais bel et bien un club d’entreprises qui partagent les mêmes atouts mais aussi les mêmes problématiques à résoudre, propres à leur taille et leurs spécificités.
Quels sont leurs atouts et leurs problématiques ?
Ce sont des entreprises qui comptent vraiment, car elles pèsent lourd dans le tissu économique ; elles sont fortement ancrées dans leur territoire, sont majoritairement industrielles, elles sont bien souvent leader dans leur secteur, y compris à l’international, et je le disais, sont résilientes, grâce à leur taille et mode de gouvernance qui leur permettent d’être agiles. Elles sont aussi, contrairement à ce que l’on pourrait penser, bien implantées sur l’ensemble du territoire : dans les métropoles mais aussi dans des agglomérations de taille plus modeste, comme à Flers, Vire, Saint-Lô… Cela représente paradoxalement une difficulté : toutes n’ont pas de stratégie de communication poussées – on les appelle souvent les championnes cachées des territoires. On les assimile à tort aux entreprises du CAC 40 (plus de 250 salariés) et sont souvent exclues des dispositifs de soutien. Elles subissent aussi, comme beaucoup d’entreprises de production manufacturière, le poids de certaines normes, de la fiscalité de production supérieure à nos voisins européens, qui sont des freins au développement.
Pouvez-vous citer quelques ETI qui illustrent ces différents atouts et problématiques ?
Il y a par exemple Aris Services, qui propose des services d’isolation, de désamiantage pour le nucléaire, le maritime, qui fait face à de forts enjeux de recrutement. Je peux citer Derijke France, qui allie métiers du transport et de la logistique, sur la trajectoire d’être une entreprise à missions ou encore la Normandise, bien sûr, vitrine de l’industrie du futur. Je pense aussi à Cotral Lab, à Condé-en-Normandie, très dynamique et qui rayonne fortement à l’international, ou encore la Biscuiterie de l’Abbaye, dans l’agroalimentaire, qui a depuis longtemps engagé sa transformation sur le plan du développement durable, et qui valorise la qualité et les circuits courts. Enfin, je peux citer l’entreprise Chéreau, dont les semi-frigorifiques sont reconnus, à la pointe, avec l’hydrogène.
Pourquoi vous rejoindre ?
Nous favorisons la collaboration entre nos membres, ETI mais aussi PME à fort potentiel. Sachant qu’une PME peut prendre 10 à 15 ans pour devenir une ETI, nous les accompagnons, nous les intégrons dans ce collectif qui tend à leur faire gagner du temps et éviter les écueils.
Nous remontons à la Région et aux services de l’état les besoins, les difficultés, les attentes spécifiques, et nous engageons des opérations communes, en mutualisant les moyens afin de faciliter la croissance de nos adhérents et le développement des emplois.
Nous cherchons aussi à mobiliser les communautés autour de sujets et d’enjeux forts : les DRH et Dir com sur l’attractivité, les DSI/RSSI sur la cybersécurité, les chargés de la RSE et dirigeants sur cette thématique mais aussi sur la transition énergétique… Concrètement, lors des réunions plénières, les dirigeants présents peuvent confronter leurs pratiques, leur stratégie… et en fonction de leur niveau de maturité, décider ou non d’engager leur entreprise et leurs collaborateurs fléchés à participer aux réunions, workshop, ateliers, pour se mettre en action : ce que nous appelons les défis du club ETI Normandie.
Quelle est votre stratégie pour les années à venir ?
Notre feuille de route 2024-2026, l’ETI Act a été co-construite et partagée avec la Région, qui nous soutient beaucoup, mais aussi avec les services de l’état en région. Notre objectif est donc de corréler les attentes, objectifs, les projets des ETI et PME avec la stratégie de développement régional et de structurer les travaux du club. On peut paraitre un peu austère, comparé à d’autres réseaux, mais nous l’assumons ! Pour nous, ce club doit servir à quelque chose. On doit objectiver ce que l’on fait, nous sommes donc dans l’action mais aussi dans la mesure de nos progrès. Et nous devons le faire avec une stratégie claire, au service d’un développement responsable et durable.
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